mercredi 8 septembre 2010

"There is no place like home"

St Leu, Ile de La Réunion, France
Rentrer chez soi, c'est dur. Mais le plus difficile est peut être de repartir, encore. Après une année tumultueuse dans les contrées havraises, visité l'Europe et après avoir sillonné les îles françaises, il a bien fallu rentrer chez soi. Un an d'absence.
La Maison est toujours la même mais l'illusion s'échappe dès que j'entre dans ma chambre. Les arbres et les végétaux en ont pris possession, les tapis grouillent d'insectes, la penderie est pleine de bruits étranges, et un ruisseau s'est installé sous mon lit. Il n'y a aucun doute: aucun n'être humain n'est entré ici depuis bien longtemps. Je suis seul à l'intérieur, et redevient un enfant.

Comme je l'ai dit, il est dur de rentrer chez soi. A la Réunion, les gens marchent moins vite qu'en France, ils sont moins hargneux et moins pressés, mais aussi moins francs et plus mystérieux. Il faut ralentir sa démarche, et ses habitudes. La Réunion est moins tranchée que la France. Il y a finalement peu de blancs et de noirs: même si les disparités sociales existent, le métissage rend la population réunionnaise bigarrée et complexe, pleine de complexes aussi.

Il est aussi dur de rentrer car tout à coup, on se retrouve à la place « passager » de la voiture, à côté de sa mère qui vous emmène faire les courses, comme si finalement on avait pas 21 ans, mais qu'on était resté l'adolescent. Alors que tant de choses ont changé, et vont changer encore.

Revoir les amis, les connaissances. Quelque chose de difficile aussi. Quand on quitte sa vie de lycéen pour devenir un étudiant, on se retrouve beaucoup plus centré sur soi et sur son avenir. Faire les voyages qui vont nous épanouir, seul. Faire les études qui vont nous mener loin, seul.

Rencontrer des gens, tout en restant soi, rencontrer des gens qui sont « nous » et « autre » à la fois, seul encore. En revenant à la Réunion, j'ai alors rencontré des individus, avec leur petit bonhomme de chemin derrière eux, comme moi de retour au Pays natal. C'est d'ailleurs étrange car, bien que le temps a passé, on ressent cette proximité, de jeunes en devenir perdu sur l'île de l'enfance.
Le Spot de Surf de St Leu, mondialement reconnu

Cette Maison feuillue sentait l'adolescence et les excroissances de l'amour. Au loin on entendait encore bien le bougonnement perpétuel de la Mer, comme une présence rassurante qui aide à trouver le sommeil. Car la Maison est une « maison natale ». Non pas qu'on y naisse biologiquement, c'est simplement que cette maison a épousé une nouvelle naissance, une nouvelle existence. Nous avons plein de maisons natales. Mais moi, celle que je connais le mieux, c'est ma Maison dans les arbres.

« Être toujours autre part qu'ici ». Je pense qu'on cherche toujours l'endroit où l'on sera bien. C'est vrai qu'à notre âge, il faut voyager et fouiller partout à la recherche du mieux, il faut découvrir et tout voir. Mais n'est-ce pas aliénant que de chercher toujours le mieux? Car, bien que bouger puisse être salvateur, « il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir ». La Maison natale n'est pas le mieux, mais peut être bien. Cela m'a pris deux mois pour le comprendre.

Alors, si le malaise de l'arrivée est bien présent au départ, on ressent vite les pieds s'enraciner dans le sol. Dans ma chambre, je sens alors les gouttes d'eau tomber de mon plafond, comme si la pluie transperçait le toit. Mes pieds s'enfoncent et prennent racine dans le tapis mouillé, tandis que mes bras prennent vie et se parent de feuilles et d'épines. Les tiges et les bourgeons envahissent mes cheveux tandis que ma peau durcit et brunit. Le chant des oiseaux sauvages résonnent dans la chambre vide et sombre, végétale.

Alors on sort, on raconte des bêtises, on mange des pizzas sur la plage, on se promène sur le port, on regarde des filles en boite de nuit (se moquant intérieurement d'une donzelle qui devant nous et un miroir se caresse la poitrine en dansant), on danse sur Barbie girl après cinq verres d'un punch qui fait très mal à la tête, on rigole, on fait des accidents de voitures, on marche et démarche, on joue du piano pour faire chanter les lions et les singes, on caresse prudemment avec la langue la fumée bleue d'une cigarette un peu étrange, on console et se fait consoler, on voit ce qui n'est plus, et ce qui est encore . Les racines prennent de l'eau dans les ruisseaux du rêve.



Ainsi, il ne peut être que difficile de partir, comme si la vie nous avait plaqué de nouveau contre la joue mal rasée de l'oreiller. Le Japon approche, avec lui un lot de découverte, de joies certaines et de problèmes certains. Je ne pensais pas qu'il serait aussi difficile de les quitter, de repartir se perdre. « Voyager pour s'appauvrir », se dénuder encore, retourner en France, s'enfoncer dans lanuit avec curiosité, pour regarder dans le ciel les nuages et leurs éclairs, et garder au fond de soi cette petite chanson:

« Mon pays, bato fou, oussa banna y ral à nous? »
Devant chez moi

2 commentaires:

  1. 'Home'... et comment fait on lorsqu'on a pas d'endroit où revenir ?

    Je me souviens tres bien de l'unique fois où je suis allée chez toi. Je pensais être habitué aux margouillats, babouk et autres depuis mes 4 ans passés a la Reunion, mais j'étais surtout habitué au confort de notre petite maison de 'métros', et j'ai passé une nuit flippante à cause tous les bruits de bestioles qu'on peut entendre. Ne te méprend pas, je trouve ta maison à st leu fantastique ! Mais cette nuit là, j'ai eu l'impression d'avoir 5 ans à nouveau... et peur du noir ^^

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  2. Pour répondre à ta première question: je crois qu'on se construit des maisons natales à chaque fois que l'on passe un temps certain dans un endroit que l'on apprend à aimer. Une personne peut aussi être une maison natale, tant que tu y glisses une partie de ton exister. Pas d'endroit où revenir? Dans ce cas, il faut que tu te creuses ton trou, pas pour t'enterrer c'est sur, mais pour te créer une matrice qui te donne envie de continuer. Une maison natale, c'est une maison que tu dois avoir envie de quitter, parce que tu sais que tu l'aimeras toujours en revenant.

    Et ma maison est pleine de bruits, je sais. Quand je suis arrivé dans ma chambre, un rat était mort dans mon faux plafond...je te dis pas l'accueil!^^

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