dimanche 19 septembre 2010

"Le Japon, ça tripe"

"Kampai!" Yuko Arai, ancienne professeur de japonais, un énorme verre de bière à la main, entourée de ces anciens élèves, est entrain de trinquer en l'honneur de leurs retrouvailles au Japon. Nous sommes dans un restaurant japonais, à Shinjuku, après avoir traversé de longues allées bordées de gratte-ciels ressemblant à des bonbons lumineux géants. Des sushis et des giozas apparaissent et disparaissent à une cadence infernale. Les verres de bierre se remplissent tout seul par magie...enfin, non c'est plutôt mon impression. Je ne suis pas quelqu'un qui boit beaucoup en général. Du coup, je suis saoul au bout de deux bières et j'entre en communication profonde avec la nature. Pourquoi boire d'ailleurs? Peut être parce que dans ma future vie de président du monde, il serait ridicule de tomber raide devant l'ambassadeur du Japon ou de quelque chose comme ça. Enfin, notre entrevue avec Arai sensei ouvre bien des chemins. On baragouine japonais, sans faire trop attention aux fautes pour une fois. Tout le monde se comprend, et finalement peu importe le sujet: "l'important, c'est que tout le monde s'amuse".

Cela fait maintenant quatre jours que j'ai débarqué dans ce pays de fous. Enfin, je n'ai pas vraiment eu de contact profond avec la population, alors c'est plutôt dur de les traiter de fous. Mais une chose est sûre: "Le Japon, ça tripe" (dixit Youri). Enfin, pour commencer, tu réalises ce qui tripe le plus mal (à sec avec du gravier siouplait!). Les prix pour commencer: qu'il est agréable de payer huit euros par jour pour aller et partir de chez soi! L'argent coule vite, et bien trop vite. Tokyo est la ville la plus chère du monde. Même si manger n'est pas si onéreux, il devient vite cauchemardesque d'habiter loin du centre. Dans les transports en commun, surdéveloppés proportionnellement  à la dimension de la ville, on peut y voir des âmes dormir, épuisées par des trajets bien trop longs, ou encore livides, éclairés par la faible lueur des téléphones portables qui sont omniprésents dans tout le wagon. Je pense que je peux devenir japonais. Le métro est tellement calme que j'ai trouvé la confiance de m'endormir dedans. Devenir une petite fourmie travailleuse du voyage. Oui, "le Japon, ça tripe", dans le sens: "ça voyage". Bouger et bouger: les grandes rues de Tokyo ne m'ont pas encore séduites mais j'ai bien repéré les quelques ficelles de la vie étudiante tokyoite, de la vie tokyoite. De mes quelques ballades, j'ai été souvent surpris. Les Japonais, que l'on se représente coincés et sérieux avec le mot "honneur" dans le fond de la gorge, sont loin de corroborer le cliché. Les photos que je mettrai un peu plus tard seront là pour vous donner un aperçu.

La troisième année, "ça tripe"! C'est à la fois changer et développer ce que l'on est. Une continuité dans un décors différent, pour avoir la force de penser un autre chemin.

Arai Sensei est une très belle femme. Une japonaise dans le type "kawai", mais aussi dans le type "sympa et ouvert". "Intelligenteし, droleし, jolie femmeし," .Pourquoi ne trouve-t'elle pas un mari?! どおおおおして! Edouard et Jordan ont passé la soirée à essayer de la caser avec la clientèle du restaurant. Parfois, il est difficile de cerner les japonaises. Leur manière de s'exclamer, d'approuver ou de ne pas être d'accord rentrent en conflit avec nos habitudes. Soûlé par les deux bières, je demandais des conseils à Arai Sensei pour survivre dans ce milieux hostile qu'est Tokyo: on sent alors la proximité, on sent quand même qu'elle sera là pour nous aider en cas de besoin. C'était une bonne soirée, une de plus. Et nous avons une nouvelle alliée à Tokyo.

Arai sensei est lumineuse, éclaboussante, japonaise. Comme dirait Philippe Djian, elle me fait penser à "une fleure étrange munie d'antennes translucides et d'un coeur en skaï mauve". Cette citation, en plus d'être une belle phrase, continue ainsi "je connaissais pas beaucoup de filles qui pouvait porter une telle minijupe avec autant d'insouciance". C'est un peu l'image que donnent les femmes japonaises en ce moment. L'été est encore là, les jambes blanches sont au soleil, appareillées de minijupes et de minishorts à faire pâlir un Saint. Moi je dirais: parfois les japonaises, c'est pas seulement かわい, mais c'est aussiラ-ラ (ras-la). Il y a aussi un mythe autour de l'apparence des femmes japonaises et celui ci n'est pas faux. Les codes vestimentaires n'étant pas les mêmes, les femmes ne portent pas les vêtements occidentaux de la même façon. Et elles passent et repassent, sans fin, comme des petites fourmies insouciantes et provoquantes: un pays coincé? Ooh non, "Le Japon, ça tripe!"

"Kampai!" Au bout du quatrième "kampai", Masuda san tombe à la renverse dans un rire des plus distingués, avec quatre grammes dans le sang. Pendant ce temps, je tangue encore une fois, encore une bonne soirée (qui se finit un peu mal). Pendant ce temps, on rit, on essaie de parler japonais, on nous associe à des figures mythologiques (encore une fois, on m'a dit que je ressemblais à Harry Potter), on nous vole de l'argent dans notre portefeuille, on nous prend en photo avec des signes de victoires." ビ-ル、ビ-ル、ビ-ル!" Encore une soirée étrange, comme celle avec le luxe d'être sur un toit à Tokyo, de parler de Sciences po, de cul, de nos vies, des débuts difficiles, encore de cul (oui parce qu'après tout on a 20 ans!), des gossips... Des soirées puis des journées dans des parcs. "Le Japon, ça tripe mec, ça tripe!"

"Gros sexe le Japon". Oui, le Japon a-t'il un manche de bucheron? Je ne sais pas. Ce que je sais c'est qu'il est toujours difficile d'arriver quelque part, de se construire de nouveau. Quand je bois, ou quand il y a des gens, je suis silencieux. Peut être qu'ils ne me trouvent pas drôle ou timide: chacun sa manière d'apprécier les effets des deux bières, en regardant les visages s'activer et rire. Il faut s'adapter, c'est toujours le plus dur, se faire violence, aller vers les autres. Mon dortoir me donne envie de le faire: un couvre feu dans un dortoir rempli de mâles étudiants. Nomikai demo shiranai! J'ai encore un peu de mal, mais je trouve petit à petit les traces dans lesquelles il faut marcher. Mais ça avance, ça avance. Il faut bien!

Tokyo. Marcher droit, comme si de rien n'était. Alors je l'ai retenu en passant légèrement ma main dans le dos de manière suffisamment pesante pour lui faire comprendre que j'étais là. Tokyo. Discrètement je lui passe l'Inde dans sa main. Qu'est-ce que Bharat par rapport à Tokyo. Tout et rien , "Homme des mers". Tokyo et ses yeux brillants, indécis mais pas insensibles. Voler un baiser à Tokyo? Quel challenge! En a-t'elle envie? Bien sur! Enfin, peut être. Hésitante Tokyo, qui ne se laisse pas embrasser comme ça. Elle a un prix? Peut-être! Le vaut-elle? Sûrement! Enfin, nous sommes tous égaux face au ciel. Même Tokyo. Sous le grand ciel sans étoile et tout le temps éclairé par ce grand champion de l'écologie. Un ciel plein de possible, tout de même limité par le prix des billets de train, où on peut tout prendre par les bras pour les amener en voyage! Oui, Youri, tu as raison: le Japon, ça tripe!

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