jeudi 30 décembre 2010

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Chers lecteurs du soir,

J'étais sur le point d'aller me coucher quand j'ai décidé de vous offrir ce texte cité dans le film "Nuits d'ivresse printanière" de Lou Ye. J'ai revu ce film récemment. La première fois, c'était au festival de Deauville. J'étais un peu sceptique la première fois mais le deuxième visionnage m'a convaincu. Et ce passage littéraire, lu par Wang Ping à Jiang Cheng, au début et à la fin du film, est absolument magnifique. Et que personne ne s'inquiète pour la première phrase de ce passage: elle n'est aucunement le reflet de mon humeur (je suis à Hokkaido, difficile d'être plus satisfait!).

Bonne lecture.


“ (…) Me suicider. Par manque de courage je ne l'ai pas fait. Mais le fait que je pense encore à l'idée montre que sans l'ombre d'un doute que la flamme en moi n'est pas complètement éteinte. Aujourd'hui, le conducteur du tram m'a insulté. De quoi m'a-t'il traité encore? De Chien jaune. Chien jaune. Quelle belle expression. Mes pensées s'enchainent et s'emmêlent dans ma tête pour finalement n'aboutir à rien, sans pour autant me sortir de la misère dans laquelle je me trouve. J'ai entendu la sirène de l'usine. Elle semble annoncer minuit. Je me suis mis debout. J'ai enfilé le vieux manteau usé que j'avais enlevé. J'ai soufflé la bougie et je suis sorti me promener. Les gens de ce quartier dorment déjà d'un sommeil paisible. Dans les immeubles modernes de la rue Jozi, juste en face quelques échoppes ont gardé leur néon vert et rouge allumés. De là on entend le son d'une balalaika et les notes cristalline d'une mélodie plaintive résonnant dans l'air frais de la nuit calme et profonde parviennent à mes oreilles. Ce sont sans doute des jeunes filles russes en exil qui vendent leurs chants pour survivre. Le ciel est couvert de légers nuages grisâtres, tels des cadavres en décomposition qui se tasseraient là haut. Lorsqu'ils se déchirent, on peut entrevoir une ou deux étoiles. Mais autour de ces étoiles, la couleur du ciel qu'on aperçoit semble charger d'une tristesse infinie.
Le 15 Juillet 1923.”

Yu Dafu
“Nuit d'ivresse et la saison de l'efflorescence”

jeudi 9 décembre 2010

Dis moi ce qui tu manges et je te dirai qui tu es

We are living in a very queer world:

Dis moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es
Dis moi qui tu aimes et je te dirai qui tu es
Dis moi qui tu manges et je te dirai qui tu es



Je suis à l'université de Sophia en programme d'échange depuis maintenant presque quatre mois. Sophia est une faculté plus orientée vers ce qu'on appelle dans le monde anglo-saxon les "liberal arts", autrement dit les sciences humaines et sociales. En plus d'un programme en japonais pour les misérables manants dans mon genre qui ne parle pas la langue de Mishima, l'université propose donc un large éventail de cours en anglais, qui peut aller à l'étude du théâtre classique japonais en passant par les relations internationales et les sciences politiques.

Je me suis donc fait plaisir ce semestre. Un cour de littérature comparée centré sur les haikus,  un cour de politique de la citoyenneté (Miam miam), un cour sur le concept du colonialisme et enfin, last but not least, le cour le plus intéressant: Sociology of sexuality and gender. Certes, je vous vois venir, petits pervers. NON, ce cour n'est pas le plus intéressant parce que les mots "penis", "vaginal intercourses" et "homosexuality" apparaissent systématiquement. Les élèves ne contemplent pas le professeur Farrer la bave aux lèvres, les yeux plein de stupre, une main dans le caleçon et l'autre tripotant nerveusement les stylos des trousses soigneusement posées à l'avant de la table. Ce qui fait la force de ce cour, c'est qu'il est clairement  composé, avec des lectures qui sont pour la plupart pertinentes et bien discutées. Le prof a du charisme (ce dont les autres manquent quelque peu) et il y a un véritable "background" technique, sociologique et philosophique. " C'est trop sugoi !", en quelque sorte.

Le cour est centré sur des thèmes très variés, étant avant tout une introduction à la Sociologie de la sexualité. On passe donc par l'étude de la patriarchie, l'oppression des femmes, la notion de genre, la notion de "rendez-vous galant", l'homosexualité et la bisexualité, la pornographie, les X gender, Michel Foucault, Karl Marx, d'autres joyeux, et même la théorie du "hook up"! Chaque cour est donc différent, mais les thèmes se recroisent. Et bien sûr, un des thèmes récurrents est le thème des "queer studies".

Ce cours d'introduction à la sociologie de la sexualité parle très largement du concept d' "identité". Aujourd'hui, nous avons eu un cour sur la bisexualité, et le problème d'identité. La bisexualité, d'après Marjorie Garber, est une sexualité bien particulière et véritablement à part de celle de l'hétérosexualité et de l'homosexualité. Il a cette particularité d'être une "non-identité", dans le sens où elle accepte l'ambiguïté, l'incertitude, le changement et la phase grise d'un monde en noir et blanc. Le statut de la bisexualité a apparemment bien changé entre les années 70, années de la révolution sexuelle, aux années 90. Pendant les années de révolte, être bisexuel était défier l'autorité et chercher d'autres normes, se libérer comme les homosexuels ou d'autres minorités essayaient de le faire. Les années 90, d'après Garber, montrent un changement. La politique est passée par là ainsi la cristallisation identaire. Autre fait notable: le Sida est passé avec des ravages et des replis. Enfin, les amours alternatifs se sont d'une certaine manière banalisés, dans les sociétés occidentales du moins.

On assiste alors un phénomène grandissant de biphobie envers "l'identité" bisexuelle. Le monde homophobe les associe nécessairement aux homosexuels, de part le pied qu'ils mettent dans le monde queer. Ils ont aussi été considérés comme ceux qui ont fait passé le Sida, "maladie de pédé", parmis les hétérosexuels, dans les années 1980. Dans une logique inverse, dans certains milieux homosexuels, on assiste à un phénomène de rejet contre ceux qui ont "le cul entre deux chaises", "n'assumant qu'à moitié", "veulent continuer à jouir du "privilège hétérosexuel". Parce qu'ils n'ont pas d'identité claire, ils pourraient compromettre le mouvement identitaire homosexuel. Comment peut on demander le droit au mariage quand une partie de l'équipe peut retourner sa veste pour aller s'assoir bien au chaud dans la maison de "la normalité"? Cependant, la biphobie ne montre pas seulement à quel point la bisexualité n'est pas comprise. Elle montre à quel point l'identité en général a une importance en politique, et qu'une identité qui refuse d'en être une, peut être une menace.

On peut comprendre la politique de la façon suivante. La politique commence souvent par une lutte pour le pouvoir dans l'espace publique. Pour qu'un parti ou qu'un groupe puisse demander des droits, il se doit de se créer une identité, une différence qui puisse lui permettre de gagner en puissance, et d'affirmer son point de vue. Il y a donc, dans les partis politiques, comme dans les groupes identitaires, un besoin d'idéologie, d'un système de pensée nécessaire et solide, montrant des constances universelles et casi-téléologiques dans la réalité humaine. Il y a dans la recherche d'une identité stable et puissante une contradiction avec la politique en elle-même. La politique est le monde du contigent, un monde en perpetuel changement, bien plus réaliste qu'idéaliste, où l'homme politique, bien que parfois orienté par des grandes lignes, est contraint d'avancer en tâtonnant, plus qu'en sachant. D'une certaine manière, les identités montrent encore plus leur facticité dans l'espace politique, car elles essaient de s'adapter à un chaos permanent, et démontrent toutes leur incompatibilité complète avec la réalité.

Michel Foucault, illustre auteur de l'Histoire de la sexualité, était assez sceptique quand à la réelle libération qu'aurait pu entraîner la révolution sexuelle de la fin des années 60 ainsi que de la construction d'identité politique autour de la notion même de sexualité. Pour Foucault, nous parlons trop de sexe et de sexualité. Nous aimons à nous dire "réprimés", et c'est ainsi que nous avons fait une "révolution sexuelle". Hors, Foucault, en retraçant l'histoire de la sexualité, montre qu'on assiste au 19ème siècle à l'apparition des sciences de la sexualité, autour des théories darwiniennes, marxistes, freudiennes, et autre biologistes/médecins. Apparaissent alors médicalement les termes de "femmes histériques", de "pédophiles" et d'"homosexuel" (qui devient alors une maladie clinique). La Science a mis dans des cases et a donné une assise autoritaire à la sexualité. Et, tout en nous pensant réprimé, nous parlons alors sans cesse de sexe, pensant se libérer et pensant construire notre être. Évidemment, il m'est bien difficile de réduire Foucault à un seul paragraphe, qui provoque déjà à lui seul le sommeil prolongé d'une assemblée qui me m'a peut être pas perdu depuis les deux premières lignes (merci à eux!).  Foucault n'est pas non plus exempt de critiques, et je ne serai sûrement pas son meilleur défenseur. En revanche, je voudrais pointer une remarque intelligente de sa part. Est-il véritablement sain de se construire une identité autour de sa sexualité, hors de toute considérations politiques? Foucault est ironique: peut-on par exemple se construire une identité autour de son régime alimentaire?

Dis moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es
Dis moi qui tu aimes et je te dirai qui tu es

La construction identitaire a ses limites, surtout lorsqu'elle est associé à l'homosexualité. Mon impression est la suivante. Je trouve le développement d'une littérature homosexuelle, d'un cinéma queer et de tout un univers plutot gay ou queer friendly positif dans son ensemble, étant donné l'écrasante hétéronormativité qui règne encore dans nos sociétés contemporaines (phallocentrée qui plus est, il n'y a qu'à regarder MTV). Cependant, celui-ci ne doit être que périphérique et non source d'obsession, ni de communautarisme de gens qui cherchent à être plus "gay que gay". On ne peut pas se dire que l'homosexualité, l'hétérosexualité ou la transexualité sont constitutifs de notre être, qui reste par ailleurs en constante définition dans le flot de l'existence. On ne peut pas se dire: "Je ne sais pas jouer du piano, je ne sais pas faire de sport! Oh mon dieu! ma seul distinction avec les autres est que je suis pédé!"

Faire de sa sexualité une composante trop importante de son identité, c'est d'abord se restreindre et ne pas aller à l'avant d'autres choses beaucoup plus constructives au niveau identitaire. C'est ensuite inconsciemment croire à un essentialisme. Cette question du "est-ce qu'on est homo à la naissance ou depuis l'enfance" est évidemment difficile à répondre. Cependant, le problème est que croire à un déterminisme, c'est croire à un destin, une nécessité et donc quelque part une sorte de malédiction. Comment accepter alors ce que l'on fait, si on se croit maudit à jamais? Comment fait on lorsqu'on essait de se construire une identité avec ce que l'on pense une malédiction? On risque alors à jamais l'ambiguïté non assumée,, en essayant d'être au plus ce que l'on a jamais voulu être. On est alors ce qu'on déteste être, et on s'en débarraserait bien si c'était possible. Voilà pourquoi définir son identité avec une chose finalement aussi banale et incertaine que la sexualité peut être dangereux, et finalement improductif.


"Turbulent, fleshy, sensual, eating, drinking and breeding,
No sentimentalist, no stander above men and women or apart from them,
No more modest than immodest"
                                                   
                                  Walt Whitman, "Song of Miself" (cité par Marjorie Garber, Vice-Versa)


Cet article n'est pas vraiment un pamphlet contre les groupes identitaires. Il ne s'agit pas ici de dire que les bisexuels sont rejetés par le mouvement GLT, et par là quelque part créer une autre identité. Il s'agit de questionner la notion même d'identité, qui parfois, en rassurant et promettant le bonheur, amène souvent à une mauvaise conception de soi-même, "être qui a à être" plus qu'il n'est (si on est Sartrien). La notion même de préférence est biaisé: est-ce que ma préférence pour le libre marché, l'exclusion des noirs, les hommes ou les concombres est vraiment consitutive d'une identité stable? Agir plutôt que de penser à son "être" depuis sa tête, c'est le meilleur moyen pour pas devenir fou, et finir sur les rails de la Chuo line.

Il ne s'agit pas non plus de dire que nous sommes tous et devons tous être bisexuels. Ce serait encore mettre le monde dans une case. Le communisme a essayé de mettre plein de pays dans un seul moule à tarte et s'est retrouvé à couper la pâte qui dépassait de ce dernier avec un grand couteau sanglant.  On peut cependant beaucoup apprendre de la bisexualité. Marjorie Gaber explique que la bisexualité n'existe pas en soi, elle n'est pas une identité, mais une histoire ("a narrative"). La bisexualité prend la temporalité en compte. On peut paraphraser très maladroitement Bergson dans la conférence "le Possible et le Réel". La Réalité est tel un ballon de baudruche qui se gonfle, pas un échequier qui passe de case en case. La réalité, et par là le futur, sont imprévisibles. Toute évaluation d'un possible, signe de la recherche d'une causalité, est finalement une illusion retrospective, la durée vraie étant déroulement de la conscience (oulala, je me ferai frapper par mes potes en fac de philo s'ils lisaient ça!). La bisexualité, c'est admettre que la réalité se construit petit à petit. La bisexualité, sans être une identité, en étant perdu sans cesse, sans définition, et refusant de choisir, montre à toutes "ses grandes soeurs" un nouveau romantisme et une nouvelle liberté, celle de ne pas savoir et d'accepter que "we are living in a very queer world".



"Je ne me suis pas géné.
J'ai un esprit troublé.
Donne moi un peu de temps. ça passera par le vent.
Je veux être seul. Reste là.
Toi ta gueule.
Je ne veux pas m'arrêter.
Je veux t'embêter!"

mardi 7 décembre 2010

Les promesses

Chers lecteurs et lectrices assidus (hahaha, c'est beau de rêver, mais en même temps, je l'ai cherché)

Cela fait maintenant un bout de temps que je n'ai pas écrit dans ce blog. Non pas que je n'ai pas d'idée d'article, mais simplement un petit manque de temps à cause des partiels. J'ai surtout un problème majeur qui est celui de ne pas pouvoir télécharger des photos sur ce satané blog. Sans photo, mes articles perdent leurs intérêts... Il faut croire que ma connection de dortoire est plutôt defectueuse. Je trouverai donc surement l'occasion d'en mettre. Et puis, c'est parfois un bon signe de ne pas écrire sur un blog. C'est un signe qu'il se passe quelque chose d'actif dans la vraie vie!

A venir (article en préparation):
-Dans les arbres de Kamakura
-Kabikuchô
-Dis moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es

En attendant, voici, pêle-mêle, quelques passages des tribulations intellectuelles du moment:

" ... une étrange tristesse me saisissait. Cette tristesse, il semblait qu'elle entrât dans mon coeur avec la voix même, si douloureusement aiguë, des cigales: et je me figeais alors dans une longue immobilité, contemplant seulement, solitaire, ma solitude intérieure. Mais cet été-ci, petit à petit depuis mon retour, ma tristesse avait changé de nuance. Et comme le cri de la cigale commune avait fait place au cri de la petite cigale, ainsi je sentais, autour de moi, la destinée de ceux qui m'étaient chers entrainée insensiblement dans une immense métamorphose"

Natsume Soseki, Kokoro


"Les joncs tombent de sommeil,
Je rôtis délicieusement.
Midi."

Couchoud, Au fil de l'eau (en classe d'étude sur les haikus)


" L'archéologue met le contenu de ses fouilles dans les caisses de sa femme"

AG


"やくそくがあるので、これで失礼します。"

Phrase au sempai de Karaté


"J'aime et je veux vivre dans un monde de beauté"

Un anonyme, qui ne passera probablement jamais sur le blog pour se reconnaître.




Bonne soirée à tous, et à très bientôt.

mercredi 17 novembre 2010

Le Poète et l'Amour

Aujourd'hui, j'étais entrain de travailler (ou plutot de faire semblant, parce que je manque cruellement de motivation, surtout devant mon ordinateur), quand j'ai ouvert ma boite mail. Un mail de Kamma Thordarson, une amie qui fait en ce moment son stage à New York. Étant en train de lire Milan Kundera, elle me parlait des poètes:

"La fidélité de la femme au héros mort faisait partie des mythes sacrés de Jaromil; elle lui donnait l assurance que l´absolu de l´amour n´était pas seulement une invention de poète mais qu'il existait et rendait la vie digne d´être vécue."

Milan Kundera, La vie est ailleurs

Un ami m'a écrit ce message en guide de commentaire.

Il, elle, qui? Au fond c’est toujours la même, toujours le même, un visage, un sourire, une lumière.
«Surtout, ne me perds pas, lui avais-je dit. Je suis facilement perdable.» Et elle riait de mes enfantillages. Pourtant, elle m’a perdu quelque part. Où était-ce? J’ai oublié… Il y avait de vieux temples en ruine et du soleil sur les près. Je me souviens d’un champs de fleurs blanches, de hautes colonnes corinthiennes. Je me souviens vaguement de la chaleur et du ciel bleu sur les péristyles. Et d’un vaste plateau jonché de roches écroulées. Il n’y avait pas de falaises, pas de montagnes. Au loin, l’océan faisait miroiter ses eaux bleus foncés. Et puis de nombreux pins qui nous abritaient du soleil. C’est tout. Il n’y avait pas les cigales, ni la lavande méditerranéenne. C’était à Agrigente je crois. J’ai oublié de regarder si la Sicile ressemblait aux cartes postales… Je marchais à la conquête des vieux monuments, avec ton sourire qui me suivait. «Ne me perds pas surtout!». Je me suis retourné pour voir si tu étais toujours là mais tu avais disparu. Pourtant, ce n’était pas le dieu d’en bas qui t’avais rappelée, mais tu n’étais plus là. Je t’ai cherchée derrière les temples et derrière les bois touffus mais je ne me suis pas retrouvé, je n’ai pas retrouvé nos traces que déjà le vent avait recouvertes. La lumière méridionale brillait de toute sa splendeur sur les ruines éternelles. Il était midi. J’ai regardé le soleil sans ciller, rêvant que mon regard s’envolait vers lui. Mais il fallut détourner mes yeux brûlant et laisser tomber mon rêve solaire: ses rayons m’avaient transpercé. Comme d’habitude. Combien de temps encore avant que les ans n’aient ruiné mon coeur?… «Ne me perds pas!» lui avais-je dit…

(J'étais retombé par hasard sur ton blog. Il m'a inspiré. Je voulais laisser ce commentaire comme ma pierre à l'ouvrage mais internet refuse que je commente alors je te l'envoie. A toi de juger ce que tu en feras. Ne nous perdons pas!)




Je trouve un lien intrinsèque entre ces deux textes. Dans le premier, il est question du poète qui est supposé être "l'inventeur de l'amour", même si cette affirmation apparaît un peu comme une dénégation. Dans le deuxième texte, nous avons un poète qui écrit sur l'amour, qui crée poétiquement l'amour. Il y a un lien fort entre le Poète et l'Amour. L'Amour est quelque chose qui est flottant, instable, puissant, parfois faible, parfois proche de la haine, parfois fleurtant avec une délicieuse indifférence, parfois contradictoire, multiple et qui essaie d'être un, sans cesse remuer par l'expérience, il revient et s'en va, s'oublie, se partage. L'Amour ne pense qu'à lui-même. Le poète lui, c'est un peu la même chose, il est explosé et partout, et il est vers lui. Son moi recherche constamment son expression dans ce qui l'entoure, cherchant à la fois à se cacher et à se révéler. Mais le poète a une arme. Le poète a une plume qui enferme les choses dans les mots et sur les feuilles. Le poème peut enfermer l'Amour et lui donner une texture et une constance. Il en fait un reflet, un paradigme que les autres peuvent mirer, avec dans les yeux les étoiles du rêve.

C'est peut être un peu "fleurs bleues" et romantique, mais je pense que le Poète incarne l'Amour, ou plutôt, ce par quoi l'amour prend sa forme la plus adéquate. On a beau l'enfermer dans des raisonnements logiques comme en Socio-biologie ou en Sociologie de l'amour et de la sexualité. Rien ne vaut la logique propre du poème et du poète, rien ne vaut cette irrationalité contrôlée et régulée par sa seule puissance et sa seule joie.

Je ne me juge pas poète. J'essaie en revanche d'écrire de la poésie. C'est pour mes amis, mes amours, mes joies et mes peines, que j'écris. Pourquoi j'aime écrire? Parce que j'aime avoir un contrôle sur ma vie. J'aime donner une certaine coloration à des évènements qui étaient trop rapides pour être précisément pignochés de couleurs. Parce que parfois, dire les choses c'est les faire exister comme on le souhaite. Et si alors on nous somme de nous arrêter parce que nous nous berçons d' illusions, alors nous répondrons:

"Et vous, est-ce que vous, vous avez le courage de rêver votre vie comme je le fais?"

mercredi 10 novembre 2010

Sous le pont Mirabeau version Japonaise

"Bonsoir, je voudrais étudier un magnifique poème de Guillaume Apollinaire. Il s'appelle le Pont Mirabeau."

J'ai reçu un coup de téléphone de Riuji hier soir. Ruiji est mon élève japonais. Elève, oui. Ca y est, je suis sacré professeur de français depuis maintenant plus d'un mois. Enfin, ce n'est pas un travail rémunéré. Disons qu'il s'agit d'un échange: une demie heure en français, une demie heure en japonais. Mais notre échange s'est vite transformé en un repas hebdomadaire, où une charmante damoiselle nous accompagne, comme fascinée par ce grotesque brouhaha linguistique qui se joue entre les tout nouveaux catcheurs de la langue de Molière.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
            Et nos amours
       Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine

     Vienne la nuit sonne l'heure
     Les jours s'en vont je demeure

Riuji est vraiment différent des japonais que j'ai rencontré jusqu'à maitenant. Il étudie le français, et pour une fois, ce n'est pas parce qu'il a passé une semaine à Paris pendant les micro vacances annuelles de ses chers parents. Le Français, il l'a aimé de part la littérature et la musique classique. Quelque part, cela fait de lui quelqu'un d'un peu élitiste, mais aussi quelqu'un d'exigeant. Il me parraît étrange de voir un Japonais passionné par la culture de mon propre pays. D'un côté, peut-être qu'ils trouveraient ça étrange si je commençais à faire du Kabuki et si je leur disais que j'avais eu envie d'aller au Japon en lisant Mishima plutôt que Naruto. Les Japonais, du moins, l'échantillon que je peux voir à Sophia, comptent une bonne brochette de joyeux cinglés. Lors du festival de Sophia par exemple, j'ai assisté à un concert de percussions Brésiliennes où le leader se roulait littéralement par terre. Peut être souffrait il d'une soudaine gratelle? Peut être la farine sous ses narines n'était pas de la farine? Peut-être simplement qu'il a trouvé sa voie dans une folle passion des arts-gaijins. En tout cas ce qui est sûr, c'est que quand on décide de délirer au Japon, on délire jusqu'au bout. Pas de quartier.

Mon cher Riuji par conséquent, a décidé de se mettre au Français, et après trois mois de pratique, nous voici déjà dans Balzac, Rimbaud et Apollinaire. A quand Marcel Proust? Ils sont fous ces japonais, dirait Obélix le Gaulois.


Les mains dans les mains restons face à face
            Tandis que sous
       Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse

     Vienne la nuit sonne l'heure
     Les jours s'en vont je demeure
 
"Les mains". Riuji est un fanatique de musique classique et de piano classique. Ainsi, aujourd'hui, pour échapper à la routine du cour, nous sommes allés tous les trois à la salle du piano du campus. Les mains sur le piano alors, j'ai pu jouer un peu, pour la première fois depuis deux mois maintenant. Soulagement. C'est étrange d'ailleurs d'éprouver ce sentiment là pour un bête piano, après un bête morceau. La musique comme langage universelle: j'ai été content d'être applaudi par un japonais! "La musique est un langage universel mon fils" (Merci papa - -")

"les éternels regards". Regards croisés: "Oh mon Dieu, un Gaijin!". Cela arrive plus souvent dans le métro qu'à Sophia, fac internationale par excellence. Mais on reste un gaijin, quoi que l'on fasse. C'est parfois la distance que je sens avec mon élève. Et alors je me demande: n'est-ce pas seulement qu'un problème de langage? Parce que même si la culture est différente, ne serait-il pas plus facile de l'expliquer dans la même langue?
Nos cours se passent de la manière suivante. Je prends mon costume de prof sévère et organisé, je décide de bannir l'anglais. Le Japonais d'en face alors se met à pâlir et dit immédiatement "Sorry but I have to go to the toilet". Je ris intérieurement: "il ne m'échappera pas, MOUHAHAHA". Généralement, je le fais parler, puis le corrige. Je lui fais lire des textes, on discute ensemble de poèmes qu'il aime bien. Toujours la question "Pourquoi?" à chaque fois qu'il ne répond que par oui ou non. L'enfant balbutie et marmonne mais ce fait comprendre. Et l'enfant te sort des phrases du genre: "l'eau représente l'amour et le temps, qui coule sous un pont". Après une demie heure de labeur et de transpiration, l'enfant dit alors: "Let's speak in Japanese for now". Aha, et moi de dire: "Sorry but I have to go the toilet"..."oh mon dieu oh mon dieu, il faut parler japonais!" (rire intérieur). Nous avons passé la première séance à répéter 50 fois "watashi wa". Tel un lutteur, je regardais mon bourreau avec une sérieuse envie de meurtre mélangée à la culpabilité de ne pas avoir la bouche formée pour réciter ses stupides syllabes japonaises (enfin c'est l'émotion, pardonnez).

J'aime bien parler avec Riuji surtout parce qu'il a le don de se foutre magistralement de ma gueule à chaque fois que je dis une connerie. Il est généralement rare qu'un japonais se moque de vous quand vous faites des erreurs en japonais. Mais bon, j'aime bien la franchise, même si elle est cruelle. "Watashi wa...." et automatiquement "Hihihihihihihihi" (prenez le rire démoniaque des méchants chinois dans les films hollywood et vous avez le scénario)
L'amour s'en va comme cette eau courante
            L'amour s'en va
       Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente

    

Quand j'ai relu le Pont Mirabeau avant le cours, j'ai été pris d'un petit sourire ironique qui se mélangeait joyeusement à de la tristesse. Je n'aimais pas vraiment beaucoup ce poème avant. Je ne le comprenais pas. Il est drôle de ne pas comprendre les choses à un moment donner et d'y rentrer plus tard, en se trouvant stupide de ne pas avoir accordé la bonne corde au bon moment. Le poème est arrivé à un drôle de moment. Comme si j'étais sur le Pont Mirabeau. Vous objecterez une identification stupide et adolescente. Peut être: mais Apollinaire a Tokyo, je sais pas pourquoi, ça résonne, ça brille. Le poème m'a pris: qui aurait cru qu'un poncif de la littérature française m'aurait fasciné au Japon? Comme quoi c'est en allant loin de chez soi qu'on se rend compte de certaines choses. Enfin, le contexte personnel s'y prête aussi. Merci Riuji!

"Et comme l'Espérance est violente". Mon humeur sinusoïdale et élégiaque y a d'abord trouvé une source de drâme impressionnante. Après quand on prend un peu de recule, on réfléchit à l'espérance et on la trouve ridicule. L'espérance est-elle une absurdité? Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c'est qu'elle nous propulse vers quelque chose qui n'existe pas, et nous alliène dans notre appréhension du présent. Certains objecteront que le présent n'existe pas. Je ne sais pas, je doute parfois quand à la possibilité d'un bonheur présent. Cependant, la réalité n'est qu'un présent, une succession de présents. Enfin bon, du bavardage verbeux et spirituel tout ça. Entre ce que disent le coeur et l'esprit, il y a un monde (Dressez vous contre le dualisme!). La sensation est toujours la plus forte, le sentiment et l'expérience aussi. L'espérance est violente? Mais n'est-elle de l'esprit? A quand la sensation qui submergera l'espérance?


Passent les jours et passent les semaines
            Ni temps passé
       Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

     Vienne la nuit sonne l'heure
     Les jours s'en vont je demeure

Cela fait maintenant près de deux mois que je suis à Tokyo. Le temps passe à une vitesse qu'il n'est permis d'imaginer. Il est parfois dur de trouver sa place dans cette année particulière. Année sans réel but, année de repos avant l'entrée dans la vie un peu plus active, j'avoue avoir eu un peu de mal à m'habituer à la grande Tokyo, aux récents et douloureux changements de ma vie, et surtout au futur pour l'instant vide de projets qui se profile. Le nombre de bières écoulées ne m'a pas vraiment encore montré la voie de la sagesse au Pays des Fourmis. On ne s'y sent pas bien. On ne s'y sent pas mal. C'est un entre deux, comme un peu partout. Pas envie de rentrer en France, pas envie de repartir en arrière non plus, même si parfois la nostalgie guette un peu.

Nous ne sommes nulle part. Nous sommes dans une année où être perdu n'est pas un luxe mais un mot d'ordre. Certains retombent rapidement sur leur pattes et trouve de quoi orienter un peu le chaos de l'égarement. Parfois il faut un peu plus de temps. Et tout avance grâce au présent. Ce qui, je dois bien l'avouer, lui fait une belle jambe à ce salaud!

 Vienne la nuit sonne l'heure
     Les jours s'en vont je demeure

dimanche 17 octobre 2010

Soley glasé

-I-

Le soleil se levait au loin dans le désert
On m'avait laissé là, seul et sans autre chose
Que mes regrets frustrés et mes larmes amères
L'amour s'acharne nu contre les portes closes.

Diazot ke lé pas là, pareil la doulère la mort
Zot la jet' le corps, la vu ban plum volé
Dan' grand ciel sans l'étoile pou voi la mer
Zoiseau la mort, zoiseau l'amour
Mi touch ton seveu li lé kom la pli 

Fébrile, je sentais cette soif m'enlasser
Mourant de froid, de chaud dans ce pays hostile
Son grand regard tout bleu me rendant bien débile
Battu par les rayons de ce soleil glacé.

"Soley glasé lé pa pendillé
Moun li mor kan y 'ret marché"*

-II-

Les sons aigües percés des gris corbeaux sauvages
Aux yeux verts emeraudes et à l'oeil affûté
Ont transpercé mon coeur de colère volage:
Des plûmes sur mon dos commencèrent à pousser.

C'est l'ordre du naufrage, c'est l'ordre des damnés
J'entends halluciné le chant haut du Phénix
Ma peau s'emplit gonflée des chaudes eaux du Styx
Mes yeux fixent d'en bas le grand Soleil glacé.

Certaines choses ici bas, sans aucune raison
Renaissent et disparaissent qu'importe la saison
Sans même le mériter, on finit dans le noir.

Mon torse déployé, couvert de plumes d'or
Ouvre grand les ailes pour s'envoler encore
A l'ombre Dieu Soleil! Il n'avait qu'à mieux voir!


*Ziskakan, Soley glasé

mardi 28 septembre 2010

Proverbe du jour

Mon père a appris ces deux proverbes en Bretagne, qui m'inspirent bien alors que je suis à Tokyo en plein dans la pluie.

"Quand le goéland se gratte le gland, il fera mauvais temps"

Cette phrase ma foi fort poétique s'enchaîne avec la suivante:

"Mais quand le goéland se gratte le cul, il fera pas beau non plus"

A méditer... (vivement que les cours reprennent)

Histoire de porte (poèmes de 2006)

Ce sont de vieux poèmes que j'ai publié en 2006 dans un ancien blog de poésie que je tenais avec deux amis à moi (http://without.canalblog.com/) . Ils ont été écris dans une période où j'étais fasciné par l'hermétisme (Mallarmé, Rimbaud, Bonnefoy) ...sans vraiment comprendre ce que c'était (la gaucherie de ces poèmes en témoigne fort bien). Cependant, quelques phrases sont pas mal, donc les voilà.

 

La porte qui grince


I

Les voiles de la transe
Doucement susurrent
A la nuit que toutes ses portes s'ouvrent
Vers le clapotis?

Doucement susurrant
Finalement
A la nuit car
Quand les voiles en transe
Entre de nouveau dans la danse
Les portes s'ouvrent
Vers le clapotis
Du vertige
Du ruisseau
Les portes doucement s'ouvrent
Et quand les voiles, en transe
Font éclater l'amour
Les pages se succèdent
Et le clapotis qui
Lentement susurre
S'engouffre et traversant le ruisseau
Croise le géant
Qui d'un mot...

Les voiles amassés et les portes ouvertes
Le ruisseau coulant et le géant passant
Considérablement
Le bruit d'une voiture
Trouble affinement
L'onde de la porte qui fermée
Respire tranquillement

II
Les voiles de la transe
Doucement susurrent
A la nuit que toutes ses portes s'ouvrent
Vers le clapotis?

Poésie avant toute chose
Qui rime encore comme du cristal
Se perd dans la nuit diamétrale
Des portes qui doucement s'entrouvrent

Le souffle perd sa force
Qui susurre, doucement
Luit au quart d'heure de tes lèvres
Aboli objet de mes illustres bruits

Les voiles de la transe suggèrent des clapotis
Ou le perdu se doit de couler avec lui
Et le géant se lâche dans le catimini
De la porte muette qui se ferme sans bruits



La porte qui claque


Les voiles de la transe
Par des vagues de vent
Se déchirent quand Zéphir
Fait claquer les portes

Comme un ballet
Par intervalles réguliers
Battent les voix du crépuscule
Qui susurrent à la nuit:

"A demi mots et en quart de coeur
Sortez de votre torpeur!
Âmes maudites! perdues dans le bois
Que tout te perçoit."

Violemment la porte se ferme sur ces incertitudes
Qui reviennent en courant se placer au miroirs
Marquant le début des déboires
Des portes s'entrechoquant...

lundi 27 septembre 2010

L'amour est dans le train

Pendant que le train avance dans la nuit, je suis assis sur un siège bien propre et je commence à m'endormir en voyant passer les stations.

(tous les témoignages parmis diverses personnes qui ont été recueillis sont vrais)
新宿(Shinjuku)
The doors on the left side will open. Please mind the gap.

Témoignage:"Wake up. grab a brush and put a little make up. hide the scars to fade away the shake up."


         J'ai raccroché le téléphone. Je n'aime pas le téléphone, c'est moins bien qu'en vrai, mais bon, en vrai ce n'est pas clair non plus et puis c'est dans longtemps, trop longtemps. L'amour n'attend pas. C'était une des choses les plus dures de ma vie: rompre. Enfin, j'ai rompu de mon côté, sans artifice, sans sacralisation et surtout pour éviter la précédente, pleine d'incertitudes. Juste "ras-le-bol": les incertitudes minent mon estime personnelle, font monter l'espoir. Je ne traînerai plus derrière, je suis fatigué, l'Amour m'a fatigué. Rien n'est perdu bien sûr, car c'est une petite flamme précieuse, un secret que je garde au fond de mon coeur, l'éternel espoir du "un jour" qu'on doit ranger dans une petite boite parce que ça ne dépend plus de nous-même. Il faut cependant arrêter d'aller chercher l'amour quand celui-ci s'enfuit, pour des milliards de bonnes ou mauvaises raisons, de vos mains tremblotantes. Ces choses là marchent dans la réciprocité. Prendre ses distances, peut-être pas définitives enfin ça j'en sais rien, mais ne pas revenir quémander. Avancer plutôt.  
      Cette troisième année d'étude à l'étranger est une année particulière car elle questionne beaucoup le thème de l'amour. Tous les couples se posent la question de la troisième année, se posent la question de rester ensemble ou pas. Certains éclatent, d'autres résistent, se transforment, ou s'effritent. Il n'y a pas de recette miracle contre la jeunesse qui avance, contre le mystérieux temps qui passe. L'Amour, le sexe, l'attirance, l'amitié: on a beau avoir 20 ans, ces problèmes ne sont jamais simples et ne le deviendront jamais.



三鷹 (Mitaka)
The doors on the left side will open. Please mind the gap.

Témoignage: "La nuit était parfaite et froide, l'Hotel de ville très lumineux, l'ambiance parfaite à l'amour. Je me suis approché pour l'embrasser et l'autre a reculé d'un pas, de peur de se faire frapper au coin de la rue."

Aimer c'est dur. Aimer c'est questionner la liberté. Quand on aime, est-ce qu'on est moins libre ou pas? Est-ce qu'on s'enchaîne ou est-ce qu'il nous donne des ailes? Et puis pourquoi y'en a toujours un qui aime plus que l'autre? Pourquoi on cherche tous une personne qu'on aimerait assez pour se sentir enchainer, alors que l'autre, ça lui fait peur? Je pense que de telles questions sont sans fin. Il faut le vivre de façon existentielle plutot qu'essentielle. L'Amour n'est rien sans liberté et existence. L'Amour se vit avant de se penser et n'existe que lorsqu'il peut s'épanouir sans se poser de question.

Vous me direz: mais j'aime librement ma femme, je ne me cache pas, et pourtant parfois je doute de mon amour? Oui vous avez sûrement raison, car l'Amour n'est qu'un marshmallow gluant qui s'adapte aussi à nos humeurs et découvertes. Mais essayer d'aimer sans liberté, et vous verrez que votre amour périra aussi vite que la flamme d'une bougie dans un ouragan.


たしかわ (Tashikawa)
The doors on the left side will open. Please mind the gap.



Témoignage:"Encore une fois nous nous sommes réveillé à 5 heures du matin pour quitter mon appartement. Personne ne devait nous voir."

On parle souvent de l'amour entre un homme et une femme. On nous a toujours bassiné avec les contes de fée et toutes ces conneries faites quelque part pour consolider un idéal bourgeois et reproducteur de cette espèce virale que constituent les humains. Mais en vérité, l'exemple des amours homosexuelles, des amours alternatives, ne nous montrent-elles pas mieux la question de l'amour et de la liberté? Parce que l'alternative, elle a pas toujours le droit de faire tout ce qu'elle veut...

Aimer, certains le vivent comme un poids essentiel. "Je suis une femme et je ne peux tomber amoureuse que de femme." "Je suis un homme et je ne peux tomber amoureux que d'hommes." Quand on est homo, l'amour semble déjà moins libre. Quand on ne peut choisir rien d'autre, aimer c'est au départ un calvaire.  Et puis il y a les bisexuels. Certains homo n'aiment pas les bi, parce qu'ils disent que ceux-ci se retourneront toujours vers la facilité. Hors, très logiquement, on peut dire qu'être bi c'est aussi difficile que d'être homo. Quand on est bi, l'amour devient un cauchemar de choix, et on devient une machine à aimer. Aimer universellement n'importe quel sexe: cela fait de nous une personne indéterminée, ne sachant jamais sur quel pied danser, incapable de s'associer à des schémas précis. Aimer sans cesse sans comprendre. L'amour libre est aussi un calvaire. Et sur le plan existentiel, c'est pareil: quand on aime quelqu'un du même sexe que le sien, on s'expose à la même situation que quelqu'un qui ne peut pas choisir. Il s'agit de prendre finalement le pli d'un amour alternatif, que la société, dans sa bienséance, n'accepte toujours pas très bien.




埼玉県 (Saitama ken)
The doors on the left side will open. Please mind the gap."Pendant que j'étais couché sur ses genoux, un homme d'affaire allemand est passé devant nos sièges et a dit d'une voix agacée, en levant les yeux: "nein, nein, nein".

 Dans ses yeux, j'ai vu des millions d'étoiles, mais aussi des gros nuages noirs. Des kaléidoscopes de lumière qui s'emmêlent à la noirceur, à l'incertitude. Et qui font ressortir ma propre noirceur, mes propres incertitudes. Partir quelque temps, ou pour oublier un peu les étoiles, ou pour en trouver d'autres, moins brûlantes et brillantes, mais peut être plus calmes, plus sereines.


吉祥寺 (Kichijouji)
The doors on the left side will open. Please mind the gap.Témoignage"S'aimer dans le salon, devant les grandes fenêtres glacée, sur le tapis quand soudain  on panique: le voisin pervers nous a peut être vu?"

On aime d'abord un corps. On l'aime partout ce corps et on tombe à la renverse. On le prend partout, le mâche, le renifle. Il n'y a plus de normes sociales, il n'y a que l'amour qui prend tout et s'en va. Ravagé, d'avant en arrière, plus on avance, moins on comprends, on s'enchaîne, on ne comprends plus, on se perd, on sourit sans comprendre. Aller-retour. Aller-retour. Aller-retour. Perdu dans l'instant, le temps n'a plus d'importance. Le corps est un corps: qui pose sur lui les normes orthodoxes est un fou! Le désir parfois s'en va, parfois revient. Mais c'est toujours ce corps. Par amour, le corps devient un corps, et tout ira bien.

Témoignage: "On m'a pourri ma première année à Sciences po parce que j'ai eu le malheur de tomber amoureuse."

四ツ谷(Yotsuya)
The doors on the left side will open. Please mind the gap.
Témoignage: "Il est une heure du matin. Les yeux pleins de sommeil, je marche pour aller discrètement retrouver l'amour bien au chaud. Mais il fait vraiment froid dehors, et les voitures ne sont pas nombreuses."

Les confessions d'un fou dans un asile ont parlé: "Je me suis posé là, je lui ai tout dis, et puis j'ai attendu la sentence. Quand elle est tombé, fou de joie, j'ai couru à ses lèvres pour l'embrasser, et je n'ai même pas eu l'impression de faire un sacrifice". Le fou a alors commencé à prendre une feuille de papier, a déchiré quelques morceaux pour les manger, ses pensées faisant les mêmes tours avec obsession dans sa tête.

六本木 (Roppongi)
The doors on the left side will open. Please mind the gap.

Témoignage: "Pour la première fois, j'ai écris qui j'étais sur la neige près d'un pont quand soudain je l'ai effacé pour que personne ne me voit. J'avais le coeur tout serré."

Assumer. L'amour est dur à assumer je pense. Il est dur d'assumer et de dire à quelqu'un qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime plus. C'est presque aussi dur je pense. Être dans l'incertitude, ne pas savoir quelle réponse assumer, être perdu mais en même temps avancer. Pourquoi prendre une décision si elle est définitive? Il n'y a rien de rédhibitoire dans les relations humaines. Les hommes sont des êtres contigents, tout change entre nous tous. Mais il faut avancer, sans l'autre. C'est souvent plus dur pour l'un des deux. Mais les chemins sont beaux plus loin, dans les champs où poussent de grosses fleures violettes qui ont l'odeur de moutarde.

Le train passe, le train passe. J'ai le coeur qui se serre et des vertiges. おわりますか. L'un aurait dit: "mais vous vous êtes dits ça par téléphone, ça veut rien dire. Quand l'un sait plus où il en est, il faut avancer et lui laisser du temps." L'autre aurait dit: "Parfois entre les hommes, la parole devient tragique. L'un parle et l'autre entend autre chose. Il faut briser ce qui est tragique et avancer." Avancer, avancer, avancer.

Témoignage: "J'ai arrêté de me mutiler quand j'ai compris que j'avais le droit d'être amoureux."

武蔵境 (Musashi sakai)
The doors on the left side will open. Please mind the gap.

Témoignage: "Mais ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent, tant qu'ils n'ont pas d'enfants et qu'ils ne se montrent pas trop en public. C'est qu'ils pourraient faire peur à nos petits, voir même les corrompre".

Ne pas pouvoir aimer librement, c'est ne pas pouvoir aimer tout court.
...Non, la condition des amours alternatives n'avancent pas vraiment! Merci TF1. Merci la France, qui en retard sur beaucoup de pays d'Europe, n'a toujours pas légalisé le mariage homosexuel et l'adoption. Parce qu'il faut se retenir hein? Parce que c'est moins naturel qu'une fécondation in-vitro faite par une femme célibataire qui a recour à un don de sperme? Parce qu'il faut retenir des sentiments pour le bon plaisir d'une foule bien pensante, de la gentille foi judéo-chrétienne? Parce qu'il faut se retenir d'avoir le coeur qui se sert quand on voit une poussette et une famille heureuse? Parce qu'il faut se retenir d'avoir les larmes aux yeux quand on voit un couple s'embrasser sans réfléchir? Parce qu'il faut se retenir d'avoir les boules parce qu'on hésite à prendre un hôtel en vacances? Parce qu'il faut se retenir de souffrir de voir quelque chose de normal et de puissant ranger dans un placard plein de poussière et de honte? Se retenir oui: "retiens toi, tu verras, à 20 ans, ça te passera". Non, ça ne passe pas. L'amour ne passe pas Monsieur, l'Amour ne passe pas Madame. L'amour est là, présent, compressé par une société qui fait semblant d'accepter mais qui a les crocs affûtées. Une société qui n'est pas homogène, qui frappe la différence et qui montre que les taux de sida n'augmentent que chez les homosexuels, sans aucune nuance! L'amour n'est pas libre dans notre société Monsieur! L'amour n'est pas libre, Madame. L'amour reste toujours une luciole que l'on enferme dans une lanterne, pour faire croire que la beauté s'épanouit dans le monde, alors qu'on l'étouffe à petit feu, doucement, doucement.



武蔵小金井(Musashi Koganei)
The doors on the right side will open. Please mind the gap. Please don't jump in front of the train. Please dry your eyes. Please hang on, please.

"Chérie je t'aime, chérie je t'adore"

Petite poupée russe qu'on a laissé enfermé dans la grande, personne ne t'a laissé vivre et t'épanouir. Puisses tu rester dans un petit coin de mon cerveau, pendant que je fais ma vie sans trop regarder comme tu vis aussi. Tes joues sont des poignées de sable que je ne peux saisir, que tu ne peux saisir.  Car l'Amour se prend, s'envole et se perd, revient parfois. Je vois rien, tout est sombre, dit, tout est sombre. Mais comme le train, j'avance toujours vers des destinations, qui pour seule différence, n'ont pas vraiment de noms. Est-ce que c'est toi, dit, qui voit la lumière? しらない、じらない. Peut être qu'on recroisera le chemin, ou pas. Pour l'instant, avançons, en boitant un peu, sortons de la station de train, rentrons dans nos chambres, et dormons. Pour réaliser nos rêves. 

vendredi 24 septembre 2010

演劇が好き

(Petite introduction pas en rapport avec le sujet-tudududu imitant le bruit du métro à Tokyo)

Je viens de redécorer ma chambre. C'est qu'elle était un peu austère la bougre! Cette année, j'ai obtenu une chambre dans un dortoir qui se situe dans un quartier de Tokyo (en fait je sais même si on peut dire que c'est dans Tokyo) qui s'appelle Koganei.



First thing first: c'est un dortoir de l'Université de Sophia. Il y a a peut près plus de Japonais que d'élèves internationaux (enfin d'Américains, il y a vraiment beaucoup beaucoup d'Américains). Deuxième chose: c'est un dortoir de mÂÂÂÂles. Le sexe opposé, fruit défendu, est donc cruellement absent. Couvre feu à minuit, expulsion immédiate si vous amenez Bobone à la maison pour prendre le thé (ou pas) , absences nocturnes qui doivent être signalées sur une fiche à l'entrée: Pas de doute, nous sommes bien au 21ème siècle. En revanche, aller comprendre pourquoi, on a le droit de boire dans les chambres. C'est ignorer deux choses: depuis Hélène de Troie, il n'a jamais été prouvé que les femmes amenaient autant la bagarre qu'une bonne chouille. Deuzio, c'est pas parce qu'il n'y a pas de filles que les garçons deviennent des anges. Bref, vous aurez compris que des petits archaïsmes hantent les couloirs de Koganei. En tout cas, l'ambiance reste bonne. J'aime bien les dortoirs. C'est sympa de manger à heure fixe avec des gens et d'essayer de parler de Kyushu avec un Japonais terrorisé dans un anglais approximatif (enfin pas pour moi, car je lui répondais dans un japonais tout aussi approximatif, héhé).



Comme je le disais donc plus haut, j'ai redécoré ma chambre. Je l'ai mise au couleur de l'Inde, avec deux ou trois tissus et posters que j'avais ramené de là-bas (siiiight). Ensuite, je me suis attaqué à la période nostalgie: photo des amis et des parents, cartes postal de Berlin, Hanoi, Bangkok ou Bruxelles, histoire de rendre cette chambre vivable. Pourquoi je vous dis tout ça. C'est parce qu'au moment où je vous écris, il y a une photo d'une troupe de théâtre et qu'elle me met plein de souvenir dans ma tête.


J'avais envie d'en parler un peu, de cette troupe de théâtre qui n'a pas de nom. Je pense à elle assez régulièrement en fait, comme un bon souvenir qui ne voudra jamais s'éteindre. J'ai toujours fait du théâtre à l'école, depuis la 6ème. J'aime bien le fait de pouvoir vaincre sa timidité. Je suis timide en général, mais pas avec le théâtre: il y a quelque chose de rassurant, un masque réconfortant, et surtout un sentiment de se purger, d'aller au devant de soi. Quand je suis arrivé au Havre, dans la pluie et l'effarante difficulté de la nouveauté, je suis entré dans l'atelier théâtre et là (attention lumières), ben ça allait quand même mieux. Non, en fait, ce qui m'a plu, c'est le fait que des élèves puissent créer seuls quelque chose de bien, puissent faire des cours par eux même. Marion avait commencé, et j'ai su dès la première séance que je voulais le reprendre quand je passerai en deuxième année. Aude et moi avons donc repris l'atelier, avec plein de doutes mais beaucoup de motivation.

C'est un véritable plaisir: écrire un cour, penser un cour, voir un cour se faire sous vos yeux, voir les gens vous faire confiance. Je ne crois définitivement pas aux essences: on ne nait pas metteur en scène ni prof de théâtre mais on le devient. En fait, le plus important est de se construire une autorité, et pour les autres, et pour soi-même. Avec Aude, au début, on a galéré. Servir de prof à nos amis, c'était pas facile. C'était gagner une confiance que nous n'avions pas encore tout à fait nous même. Mais au fur et à mesure, c'est venu. Madame Schwarz est venue consolider notre projet, on a vite trouvé des idées de pièces et nous nous sommes rapidement adaptés pour le minicrit.

Cette année est passée à la vitesse de la lumière. Engueulades, rires, questions, théâtre, théâtre, théâtre. Le théâtre m'a empéché de penser à l'année qui se passait, aux grands changements dans ma vie, à mon champ de bataille émotionnel. Il me mettait dans un stresse constant, mais dans un bon stresse. Le stresse de voir ce qui se passe dans ma tête arriver sur scène. Le stresse de voir que ce qui arrive dans ma tête peut être modifier par les autres. Ce que j'ai aimé dans cette expérience, c'est de voir à quel point les projets artistiques peuvent être démocratiques et ont besoin des autres. Ces deux pièces de théâtre, même si Aude et moi en avons dessiné les contours et proposé les ficelles, ont été brillament interprétées, modifiées par les acteurs. J'ai bien aimé mon rôle dans l'histoire: leur montrer que, comme moi et mon costume de metteur en scène, ils pouvaient revêtir celui d'acteur. Il n'y a pas d'essence figée, il suffit juste parfois d'y croire un peu et les frontières sont minces. Je ne pense pas qu'Amélie croyait pouvoir pleurer devant des centaines de personnes au début de l'année!

Ce qui se passe en coulisse est généralement inoubliable. Avant la BDA night, j'ai connu un stresse qui, et je le pensais vraiment, était sur le point de me tuer. Tout allait dans tous les sens, tout le monde était nerveux. Je n'avais qu'une envie: leur dire de se taire, leur dire de se faire plaisir. Mais est-ce que je prenais du plaisir moi? Je ne sais pas: surement. Je stressais. S'ils savaient que cela faisait trois nuits que je ne dormais plus. Stresser parfois, ça fait du bien. Heureusement qu'on a pris cette photo, qui m'a fait exploser tout le stresse, pour qu'un superbe spectacle se déroule sous les yeux surpris du campus. En coulisse, au Minicrit, j'étais plus serein alors qu'Aude était livide. Chacun son tour: on ne contrôle pas le stresse. Tout le monde courait partout, je me souviens avoir vu Agathe pleurer, Arthur lire son livre d'économie pour ne pas y penser, Axel et Edouard tourner en rond comme des fauves, Amélie un peu verdâtre et muette, Shanna et Guillaume plutot calmes et maitrisés, Youri un peu en vrille, Quentin fidèle à son stoïcisme, Camille s'occupant comme d'habitude, pour ne pas y penser, maquillant tous les mecs en travelos, Emilie et Clarisse, plutôt impassibles: chacun gère le stress comme il peut. "On fait passer l'electricité?" " On fait un calin?" On l'a fait Aude, on l'a fait: une troupe qui rit ensemble, qui se fait passer le courant! Le courant passe. C'est ce qui compte: gagner n'est pas important (parce que de toute façon, on était les meilleurs). Ce qui compte c'est la troupe, c'est le groupe.

"-Non, mais c'est débile de pleurer, j'ai l'impression de me forcer, mais d'un côté ça me touche ces conneries
-Paul, c'est un gala, c'est normal d'être touché parce que tu reçois un cadeau pour autant d'efforts et parce qu'on s'en va
-Non mais j'arrêt pas de me dire que je surjoue la tristesse, toujours cette impression de jouer et de ne pas être sincère, d'être convenu
-Pourquoi tu ne te fais pas confiance comme ça? Pourquoi tu crois pas en ce que tu sens?
-Je sais pas. Pas étonnant alors que je doute de l'amour des autres. Si je me fais pas confiance, comment tu veux que je fasse confiance aux autres, ou te faire confiance?

Impressions éparses. Maintenant, Clarisse et Emilie reprennent l'atelier. Quentin et Shanna sont restés, preuve des bons souvenirs. J'espère que tout se passera bien. Je leur fais confiance, entièrement, parce qu'il y a toujours une évolution vers le haut. Et là c'est génial: cela veut dire que ce qu'elles feront sera encore mieux! Mais il ne faut pas mettre la pression: je vous souhaite de vous exprimer d'abord, de faire ce que vous aimez et que les autres l'aiment aussi. C'est 90% de la satisfaction.Les 10% qui restent, c'est pour la victoire. Enfin bon, j'en doute un peu: parce que c'est quand même bien aussi de rentrer à pied tous ensemble en se disant que de toute façon, ils sont trop nuls, et qu'on aurait du gagner, enfin même, qu'on a gagné dans nos coeur. Voilà.

Je pense à vous.

"Oh roi Faragarafaramus, quand te désoriginaliseras-tu?"

jeudi 23 septembre 2010

Gainjins drunk in the subway

It's hard to tel I just remember the third time I drank this fucking beer the world began to turn around me without any gut to write something meaningful at that moment...I'm talking with my laptop right now half drunk because I can't really stand the fact that I'm losing control losing grip because I know he doesn't like that huh doesn't like that, doesn't like that, doesn't like that, doesn't like that, doesn't like that, doesn't like that

"Buble, buble, bitch, bitch"

Jordan n'aime pas que je dise que les gens boivent parce qu'ils sont malheureux C'est peut être vrai les gens parfois boivent comme ça sans être malheureux sans essayer de combler la naturelle dépression humaine mais en fait j'ai bien l'impression que les gens sont malheureux quand ils boivent, mais c'est parce qu'en fait je fais trop une analogie sur moi même parce que quand je bois c'est pour être bien avec les autres pour ne pas être encore trop décallé pour ne pas me sentir trop mal à l'aise... mais ensuite je suis heureux parce que justement, je peux faire "Kampaiiiiiiiiiiii" pour la sixième fois de la soirée sans me sentir stupide" mais c'est pas forcément logique parce que finalement je me mets à penser à des choses qui me font mal enfin en même temps on aime bien avoir des choses qui nous font mal pour nous sentir vivant enfin bon "Kampaiiiiiiiii" oui j'avoue c'est déjà la septième fois qu'on trinque entre les garçons de musashi koganei et que finalement on aligne plus deux paroles cohérentes

les gens ne parlent plus anglais quand ils sont saouls ils parlent japonais pour se délier la langue ou une autre langue sans construction aucune Je faisais encore griller de la viande de le Yakiniku pendant que mon verre de bière se remplissait comme par magie mais bon quand même être saoul pour la troisième fois de la semaine c'était pas vraiment raisonnable surtout que je n'aime pas être saoul j'aime bien avoir le contrôle et puis je trouve ça un peu illusoire mais je vais me faire engueuler et traiter de rabat joie encore une fois donc je bois parce que c'est une bonne soirée quand même

Puis on va dans le métro et deux jeunes gens plutot discrets et timides en général s'arrêtent à la mauvaise station juste pour se disputer et aller pisser et là je me dis putain! c'est ça le Japon comme s'il fallait être saoul pour comprendre ces gens que l'on embête dans le métro comme pour avoir envie de toucher son dos brûlant comme pour avoir envie de vagabonder dans les rues trop grandes しらない!しらない!
Peut être que c'est comme ça que ça commence l'éclat de lumière peut être que personne ne peut me lire maintenant mais pourtant j'aimerais bien que vous me lisiez ou peut être Jordan Youri Caroline Edouard qui m'ont accueuilli desespéré hier sans une question dans la grande ville japonaise qui m'engloutit sans que j'en sente laisé

"va-t'il se rappeler qu'il doit me conduire là où il a aimé?" Tokyo saoul n'a pas la même valeur comme l'Irlandais qui parle 10 langues dont le français (il est sauvé) enfin il n'était pas très net enfin moi non plus mais bon tout n'est qu'artifice littéraire après tout

en attendant que j'écrive un poème sur ce soleil glacé qui m'éclaire le visage et me laisse perplexe.

FIN (enfin, dodo, maintenant, tout de suite, bonne nuit)

dimanche 19 septembre 2010

"Le Japon, ça tripe"

"Kampai!" Yuko Arai, ancienne professeur de japonais, un énorme verre de bière à la main, entourée de ces anciens élèves, est entrain de trinquer en l'honneur de leurs retrouvailles au Japon. Nous sommes dans un restaurant japonais, à Shinjuku, après avoir traversé de longues allées bordées de gratte-ciels ressemblant à des bonbons lumineux géants. Des sushis et des giozas apparaissent et disparaissent à une cadence infernale. Les verres de bierre se remplissent tout seul par magie...enfin, non c'est plutôt mon impression. Je ne suis pas quelqu'un qui boit beaucoup en général. Du coup, je suis saoul au bout de deux bières et j'entre en communication profonde avec la nature. Pourquoi boire d'ailleurs? Peut être parce que dans ma future vie de président du monde, il serait ridicule de tomber raide devant l'ambassadeur du Japon ou de quelque chose comme ça. Enfin, notre entrevue avec Arai sensei ouvre bien des chemins. On baragouine japonais, sans faire trop attention aux fautes pour une fois. Tout le monde se comprend, et finalement peu importe le sujet: "l'important, c'est que tout le monde s'amuse".

Cela fait maintenant quatre jours que j'ai débarqué dans ce pays de fous. Enfin, je n'ai pas vraiment eu de contact profond avec la population, alors c'est plutôt dur de les traiter de fous. Mais une chose est sûre: "Le Japon, ça tripe" (dixit Youri). Enfin, pour commencer, tu réalises ce qui tripe le plus mal (à sec avec du gravier siouplait!). Les prix pour commencer: qu'il est agréable de payer huit euros par jour pour aller et partir de chez soi! L'argent coule vite, et bien trop vite. Tokyo est la ville la plus chère du monde. Même si manger n'est pas si onéreux, il devient vite cauchemardesque d'habiter loin du centre. Dans les transports en commun, surdéveloppés proportionnellement  à la dimension de la ville, on peut y voir des âmes dormir, épuisées par des trajets bien trop longs, ou encore livides, éclairés par la faible lueur des téléphones portables qui sont omniprésents dans tout le wagon. Je pense que je peux devenir japonais. Le métro est tellement calme que j'ai trouvé la confiance de m'endormir dedans. Devenir une petite fourmie travailleuse du voyage. Oui, "le Japon, ça tripe", dans le sens: "ça voyage". Bouger et bouger: les grandes rues de Tokyo ne m'ont pas encore séduites mais j'ai bien repéré les quelques ficelles de la vie étudiante tokyoite, de la vie tokyoite. De mes quelques ballades, j'ai été souvent surpris. Les Japonais, que l'on se représente coincés et sérieux avec le mot "honneur" dans le fond de la gorge, sont loin de corroborer le cliché. Les photos que je mettrai un peu plus tard seront là pour vous donner un aperçu.

La troisième année, "ça tripe"! C'est à la fois changer et développer ce que l'on est. Une continuité dans un décors différent, pour avoir la force de penser un autre chemin.

Arai Sensei est une très belle femme. Une japonaise dans le type "kawai", mais aussi dans le type "sympa et ouvert". "Intelligenteし, droleし, jolie femmeし," .Pourquoi ne trouve-t'elle pas un mari?! どおおおおして! Edouard et Jordan ont passé la soirée à essayer de la caser avec la clientèle du restaurant. Parfois, il est difficile de cerner les japonaises. Leur manière de s'exclamer, d'approuver ou de ne pas être d'accord rentrent en conflit avec nos habitudes. Soûlé par les deux bières, je demandais des conseils à Arai Sensei pour survivre dans ce milieux hostile qu'est Tokyo: on sent alors la proximité, on sent quand même qu'elle sera là pour nous aider en cas de besoin. C'était une bonne soirée, une de plus. Et nous avons une nouvelle alliée à Tokyo.

Arai sensei est lumineuse, éclaboussante, japonaise. Comme dirait Philippe Djian, elle me fait penser à "une fleure étrange munie d'antennes translucides et d'un coeur en skaï mauve". Cette citation, en plus d'être une belle phrase, continue ainsi "je connaissais pas beaucoup de filles qui pouvait porter une telle minijupe avec autant d'insouciance". C'est un peu l'image que donnent les femmes japonaises en ce moment. L'été est encore là, les jambes blanches sont au soleil, appareillées de minijupes et de minishorts à faire pâlir un Saint. Moi je dirais: parfois les japonaises, c'est pas seulement かわい, mais c'est aussiラ-ラ (ras-la). Il y a aussi un mythe autour de l'apparence des femmes japonaises et celui ci n'est pas faux. Les codes vestimentaires n'étant pas les mêmes, les femmes ne portent pas les vêtements occidentaux de la même façon. Et elles passent et repassent, sans fin, comme des petites fourmies insouciantes et provoquantes: un pays coincé? Ooh non, "Le Japon, ça tripe!"

"Kampai!" Au bout du quatrième "kampai", Masuda san tombe à la renverse dans un rire des plus distingués, avec quatre grammes dans le sang. Pendant ce temps, je tangue encore une fois, encore une bonne soirée (qui se finit un peu mal). Pendant ce temps, on rit, on essaie de parler japonais, on nous associe à des figures mythologiques (encore une fois, on m'a dit que je ressemblais à Harry Potter), on nous vole de l'argent dans notre portefeuille, on nous prend en photo avec des signes de victoires." ビ-ル、ビ-ル、ビ-ル!" Encore une soirée étrange, comme celle avec le luxe d'être sur un toit à Tokyo, de parler de Sciences po, de cul, de nos vies, des débuts difficiles, encore de cul (oui parce qu'après tout on a 20 ans!), des gossips... Des soirées puis des journées dans des parcs. "Le Japon, ça tripe mec, ça tripe!"

"Gros sexe le Japon". Oui, le Japon a-t'il un manche de bucheron? Je ne sais pas. Ce que je sais c'est qu'il est toujours difficile d'arriver quelque part, de se construire de nouveau. Quand je bois, ou quand il y a des gens, je suis silencieux. Peut être qu'ils ne me trouvent pas drôle ou timide: chacun sa manière d'apprécier les effets des deux bières, en regardant les visages s'activer et rire. Il faut s'adapter, c'est toujours le plus dur, se faire violence, aller vers les autres. Mon dortoir me donne envie de le faire: un couvre feu dans un dortoir rempli de mâles étudiants. Nomikai demo shiranai! J'ai encore un peu de mal, mais je trouve petit à petit les traces dans lesquelles il faut marcher. Mais ça avance, ça avance. Il faut bien!

Tokyo. Marcher droit, comme si de rien n'était. Alors je l'ai retenu en passant légèrement ma main dans le dos de manière suffisamment pesante pour lui faire comprendre que j'étais là. Tokyo. Discrètement je lui passe l'Inde dans sa main. Qu'est-ce que Bharat par rapport à Tokyo. Tout et rien , "Homme des mers". Tokyo et ses yeux brillants, indécis mais pas insensibles. Voler un baiser à Tokyo? Quel challenge! En a-t'elle envie? Bien sur! Enfin, peut être. Hésitante Tokyo, qui ne se laisse pas embrasser comme ça. Elle a un prix? Peut-être! Le vaut-elle? Sûrement! Enfin, nous sommes tous égaux face au ciel. Même Tokyo. Sous le grand ciel sans étoile et tout le temps éclairé par ce grand champion de l'écologie. Un ciel plein de possible, tout de même limité par le prix des billets de train, où on peut tout prendre par les bras pour les amener en voyage! Oui, Youri, tu as raison: le Japon, ça tripe!

vendredi 17 septembre 2010

Dans la cité perdue (2)

"Dans la cité perdue, je me suis retrouvé
Dans une salle sombre, sans autre présence
Que le grand homme blond, silencieux, éveillé
Tournant sans bien comprendre d'où provient sa souffrance."


En fait, j'avais toujours pensé être seul dans le noir. Qu'il n'y avait personne d'autre que moi, qu'on m'y avait laissé, seul et sans aucun espoir. Qu'il n'y avait pas la couleur que j'étais le seul à penser voir.

Nous ne sommes jamais seul dans le noir. Dans la cité perdue, les âmes égarées subsistent au changement.

J'étais assis, sonné, dans l'obscurité, en face du jeune homme blond qui se frottait la tête. La collision nous avait rendu sourds, nous avait désorientés. Comme s'il fallait ensemble retrouver le sens de l'orientation, creuser de nouveau un chemin, repartir au bout de la nuit. Le jeune homme blond, l'homme des mers, avait l'air sérieusement amoché, l'oeil tremblant, silencieux...

Mais il avait toujours ce sourire.

lundi 13 septembre 2010

Sous la pluie

Les lances du soleil se figent dans le sol humide et percent les ombres qui s’enfuient, nues et vides. La pluie tombe; cette odeur que parfois l’herbe laisse monter, chaude et vague.
Les mains des enfants sont toujours aussi sales, sous la pluie, les doigts crottés de terre et de feuilles. Alors, on entend traverser des comptines d’enfants, dans les Jardins fleuris par les larmes de la lumière.
Sur l’herbe menue verte, l’onde qui monte et qui descend, murmure à nos oreilles:
- “Mineur crépitement de farandoles majeures.”
C’est un homme, pendu à l’arbre qui l’a dit: « cette estampe est pignochée de lumière ». L’homme est à l’arbre, ses mots sont masqués par le bruit de la pluie qui s’enfuit. Ses pieds pendent du sol.
Derrière lui une pierre, une roche stellaire. Une grosse roche s’affaissant, lisse, couverte de l’eau de l’ennui. Les comptines joyeuses s’y perdent, se taisent. Elles s’étouffent dans la forêt des bois de lait, dans le marasme des choses.
Le sang tache le gazon noir. Et les enfants courent dans les ruelles végétales, suivent les traces de sang comme les petits cailloux du labyrinthe. Pour creuser des trous; et la roche, l’épitaphe, le tombeau sylvestre, à la lueur de la lune. Le Néant qui coule sur la pierre lisse des âges, les enfants se retrouvent dans la forêt où il n’y a rien à faire; rien; il y a juste l’Homme.
L’Homme a creusé des trous, le visage plein de sang. Et, la tête penchée sur l’écorce, il repense à l’eau sur son visage, à nous; visage, terre et poussière face à l’étreinte de l’Univers.

La corde de l’ennui, pendue à son cou, l’a pendu à l’arbre.

“Un roi sans divertissement est un homme plein de misère.”

Daydream believer

C’était un moment déterminant

Et il faisait quand même noir

Le rêveur et la reine casanière vivent une histoire d’amour qui n’existe pas

C’est encore la création du rêveur

Lui qui voit tout fleurir, sur la colline ; elle qui a son visage brouillé

* * *

C’était un moment déterminant

En pleine journée sur la colline, elle était assise sur l’herbe fraiche ; le vent amenait des pétales de fleurs dans ses cheveux noirs.

J’aurais pu l’approcher ; nous nous serions aimés encore une fois sans vide.

Daydream believer , cette musique… Les accords et les amants se rapprochent , il n’y a pas de noirceur. 

Daydream believer. Toi, toujours : celle que je peux atteindre, recherchée dans les larmes et dans l’enfance, la presque-toujours- absente.

La lumière va s’éteindre sur toi, les yeux rivés sur le cœur qui se sert.

A daydream believer and an home coming queen.
 
(écrit en 2008)

漢字を食べましょう

Elise et Arai sensei

C'est le chef Francesconi qui vous parle!

Mon Dieu! Une journée de plus à ne pas faire de kanjis. Et la rentrée approche! Ah, mais, vous, bande de paiens et petits gourmands, est-ce que vous comprenez cette angoisse des kanjis? Est-ce que vous avez déjà...mangé des kanjis?

Le kanji est un plat de gourmet mais qui, à forte dose provoque une véritable indigestion. Il n'y a guère que les Japonais qui peuvent supporter ça!

Un "kanji", c'est la traduction japonaise de "caractère chinois".( association de 漢, kan, chinois.   字, ji, caractère) .C'est aussi, par la même occasion, le cauchemard de beaucoup de japonisants. Brièvement (quart d'heure culturel, tadaaam): l'écriture japonaise est complexe. Elle se compose de deux sillabaires et d'un ensemble de caractère chinois. Les hiraganas, ensemble de syllabes japonaises, permettent d'écrire tous les mots d'origine japonaise, mais sont surtout employés pour la conjugaison des verbes, des adjectifs et des particules grammaticales. Les katakanas servent à retranscrir les mots étrangers. Les caractères chinois eux, permettent comme les hiraganas de retranscrire les noms, verbes, adjectifs et autres avec des idéogrammes. Ils sont alors préférés aux hiraganas. L'écriture de la langue japonaise est originaire de l'écriture du chinois. Les hiraganas et les caractères chinois sont utilisés ensemble pour faire des phrases. Bon, passée cette explication approximative, vous aurez bien compris que pour écrire et lire le Japonais, il faut faire comme en Chinois, c'est à dire se taper des lignes et des lignes de caractères à apprendre, pour les oublier très vite.

On arrive très rapidement à avoir une relation de haine avec les caractères chinois, surtout au début.  D'abord, il faut connaître la clé qui ouvre le caractère et qui lui donne un point commun avec tous les autres. "Alors est-ce que c'est la clé de l'Homme ou de l'eau ou du poisson...ah non c'est vrai que ça ressemble à celui de la pierre qui roule dans un petit matin de printemps - -"). Une fois le caractère retrouvé, il vous faut apprendre sa signification  (alors en honyomi c'est "shi" (comme 50 autres caractères) et "tabe" en kunyomi, mais d'après le Kanji to kana, ça dépend de l'agencement des étoiles...ouh dur!) Enfin, pour écrire un caractère, sachez qu'il est bien mieux de suivre un ordre de tracé des traits! Parce qu'en plus d'être exigeante, l'écriture des caractères est aussi un art quasi divin (manquait plus que ça!) Vous vous retrouvez alors comme un débile à votre bureau à compter à chaque fois que vous apprenez un caractère. "Alors pour écrire l'eau, c'est UN très comme ça, en DEUX c'est comme ça..." . Ainsi, vous en apprenez 10 ainsi pendant une bonne heure et une heureuse surprise vous attend! Vous vous rendez compte qu'une fois le dernier tracé..."Mince, c'était quoi le premier déjà?"  Eh oui, faire du japonais, c'est bien reproduire le mythe de Sisyphe (シジウフだよ)

Mais des kanjis, il y en a partout et tout le temps! Il faut donc les apprendre en masse. Ce qui est bien c'est qu'au bout d'un moment, la main prend le pli et les enregistre beaucoup plus facilement. Cependant, les gentils professeurs ne nous disent pas que leur difficulté va s'accroissant. Miam miam le kanji de 儀: 14 traits pour dire " règle". Miam miam le kanji de 歳 (sai, ou "l'age") et ses 13 traits!

Vous vous régalez n'est-ce pas? Les kanjis sont, en tout cas au campus du Havre, la preuve même de la volonté qu'ont les élèves à ne pas être studieux. "Trop c'est trop", "C'est trop infâme",  "Je craaaaaaque (euh, Lina, descends de la table s'il te plait): oui car les élèves, en plus d'apprendre des caractères, avalent du japonais à la pelle (et encore il paraît que ça va doucement, ils sont mignons) et parfois ils deviennent fous.

Evidemment, personne n'a le même rapport avec les kanjis:
-il y a d'abord les profs de japonais: "Oooh, mais c'est fashiru (はは・むすかしくないよ...tu parles!). C'est comme ça, comme ça et encore comme ça, puis comme ça >>>戦 (tadaam!). Hi, hi, hi"

-Vous avez ensuite les faux blasés: "Non, mais j'ai trop rien appris!"..."Euh, mais t'as eu 20 sur 20 là?"..."Ouais mais quand même!"

-Vous avez les malins: "Eh ben, Youri-san, pourquoi t'écris les caractères au tableau avant le test, t'es pas prêt?" "-Non, non, c'est juste pour qu'ils soient devant nous pendant l'interro, pour blouser la prof!"

-Vous avez les élèves normaux: "Euh Katchenin, pourquoi tu suis pas le cours d'International relations in Asia?" -J'ai pas travaillé mes kanjis!" "-Mais c'est dans 30 minutes!" Eh oui, les kanjis, ça s'apprend très bien sur les genoux, pendant des cours très chiants. Un peu comme les mots croisés ou le sudoku.

-Vous avez aussi les geeks des caractères:
"-Paaauul, je sais écrire "distributeur automatique" en japonais, et il y a cinq caractères!"
-Mais on devait pas l'apprendre?
-Non, mais j'avais envie!

Ou bien encore:"Paaauuul, dans mes bras! Il est trop beau ce kanji! (petit silence géné)" "-Hum magnifique! Mais ça fait combien de temps que tu fais des kanjis?" -Près de trois heures, et après je fais du Coréen! -Mais il est deux heures du matin?! (enfin, vous me direz, y'en a qui joue à WOW, d'autres non!)


-Vous avez aussi les désépérés: "Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa, je les retiens pas!" Et là, le geek des caractères de répondre "Mais si, c'est facile! C'est le poisson, sur la clé de l'eau avec le feu et la femme qui fait cuire du riz en dessous. Regarde (caractère dessiné en 3 secondes)"
-Mouais, j'aurais du apprendre le Vietnamien! Au moins, la colonisation leur aura fait oublier les caractères chinois!"

Vous l'aurez compris, on ne peut pas rester de marbre quand à la supériorité sémiologique des caractères chinois! Mais bon, parfois je suis un peu sceptique quand il me faut une heure qui m'apprendra à écrire les caractères qui me permettront de lire le nom d'UNE station de métro. Qui ne tente rien est un fou!

Le Japon et ses kanjis (et ses japonais!), c'est J-2. 所懸命頑張ってくださいね. "Mais ça veut dire quoiiiiiiiiiii?" "-T'occupes! Mange tes kanjis!"

dimanche 12 septembre 2010

"Dans la cité perdue"

http://www.deezer.com/fr/music/home#music/result/all/saez%20en%20travers%20les%20n%c3%a9ons

Dans la cité perdue, j'étais à la Table des Rêves. Elle sentait l'alcool renversé. La pièce était remplie d'une fumée bleue, s'élevant de nulle part. Des femmes en mini-jupes marchaient à quatre pattes sur les murs, avec des lunettes roses et mauves, comme perdues. Il n'y avait pas grand monde sur le sol. La maison était un labyrinthe, habité par les fantômes. Les enceintes crachaient une musique lente et mélodieuse.
"Tu ressembles à ce rêve que j'ai fait autrefois
Que j'ai fait tant de fois, que j'ai fait avec toi
Dis on le refera? Dis? On le refera?
Allez! dis le, qu'on le refera..."

Elle dansait, exaltant toutes les formes de son corps, comme une folle. Les circonvolutions de sa poitrine mimaient avidement la courbe de ses fesses. Boum. Le corps à la musique. Boum. Le regard lubrique. Boum. C'était aussi celle avec qui on ferait l'amour sans raison, le refaire encore comme pour faire un rêve. Quand elle dansait, elle ignorait le vide, et vidait mon ventre de chaleur. J'avais l'esprit embrumé ce soir là.

"Tu ignores le vide devant toi!
Les vertiges et la peur, tu connais pas.
Tu ignores le vide devant toi!
Les vertiges et la mort, tu connais pas."

La maison était un labyrinthe vert fluo et noir. Les portes claquaient,  laissant sortir tantôt les amants, tantôt les fous. Entre deux couloirs, à un carrefour, il y avait un miroir incrusté de rubis et d'émeraudes. J'y ai plongé mes yeux pour y voir le fond des mes iris. Et je l'ai vu derrière moi.

"Tu ressembles au naufrage que j'ai fait autrefois
Que j'ai fait trop de fois, que j'ai fait avec toi
Dis on le refera? Dis? On le refera?
Allez jure, allez crache! Qu'on le refera!"

C'était un homme grand et blond, de dos, et il marchait dans un couloir très sombre. La musique continuant, le rêve dans les joues, j'ai alors décidé de le suivre, comme pour voir son vrai visage. Sa démarche était lente, tranquille: elle ne montrait rien. Il continuait à marcher dans ce couloir sans lumière, s'enfonçant peu à peu dans l'ombre.

Je l'ai suivi en évitant les fous qui venaient du couloir. Surgissant de l'obscurité, comme des autos en perdition, comme des feux d'artifice, ils slalomaient entre moi et l'homme blond. J'ai pris peur au départ, mais j'ai continué la marche, fasciné par l'éclaireur qui avançait sans frémir, comme s'il voyait dans le noir.

-Le sommeil naît dans l'obscurité et fait naître les rêves-. Il faisait noir tout autour et le silence gagnait l'espace. Mes yeux s'habituaient à l'absence de lumière et je vis alors une petite pièce d'où on ne pouvait sortir. Un peu comme dans un rêve.

L'homme blond se retourna. Je vis son beau visage triste, taillé comme celui d'un mannequin. L'obscurité creusait ses traits. Il ne prononçait pas un mot. Au loin, on entendait encore quelques bribes de la fête.

L'homme marchait encore, tournant en rond dans la chambre. Au début, je pensais qu'il savait où il allait. Mais je me suis rendu vite compte qu'il marchait au hasard, avec une démarche hésitante. J'ai essayé de l'appeler pour le guider puisqu'il était perdu. En vain. L'homme, inévitablement, m'a heurté de plein fouet.

Car il ne voyait pas dans le noir.


"Dans la cité perdue, au travers de la nuit
Toi tu vois bien, toi tu vois bien
En travers, la douleur et la mélancolie
Tout ira bien, tout ira bien."





(les passages entre guillements sont extraits de la chanson "En travers les néons" de Damien Saez)

samedi 11 septembre 2010

Bharat, Bharat


From Parveen's car


(…)

En Inde, c'est une certitude, il fait froid! Enfin, c'est ce que je me dis, à l'avant de notre voiture de tourisme. Parveen Kumar, notre chauffeur, pour nous faire plaisir, a mis la climatisation sur puissance quatre, et malgré les 40° de dehors, nous frôlons, mes parents et moi une hypothermie certaine. Il y a quelque chose d'ironique à vivre dans autant de fraîcheur, en prenant la route d'un pays aussi chaud et gigantesque. C'est un peu comme si c'était une protection, un cocon contre le pouvoir de la gigantesque Bharat.

(…)



L'Inde, à première vue, c'est le bordel, même derrière les vitres du carrosse climatisée. A notre arrivée, à 6 heures du matin à Delhi, le soleil s'est levé au milieu des rues sans goudron ni trottoirs. Ses rayons traversent les toiles de fils électriques, des centaines de fils anarchiquement reliés, donnant l'impression d'être pris dans une toile d'araignée. Après avoir déposé les affaires à l'hôtel, nous nous sommes risqués dans les rues, et dans la quatrième dimension. A Karol Bagh, pourtant quartier plus aisé que Old Delhi, une masse grouillante de gens, pas de sens de circulation de la route, des klaxons partout, des gens qui veulent vendre tout et n'importe quoi, du bruit, des crachats, des vaches, des enfants, encore un peu de bruit, une pauvreté hurlante et ulcérante, des travaux (ça s'est sur, c'est mal barré avant les jeux du Commonwealth), de la musique hindou, une statue de Hanuman géante, du bruit, encore du bruit, que du bruit! Black out! Retour paniqué à l'hôtel, et sieste carabinée dans la chambre climatisée...  « Ne me demandez plus jamais de sortir! » que je me suis dit.
Une Vache au dessus des Hommes

(...)

L'Inde demande une acclimatation certaine, qui réclame une flexibilité d'adaptation. Le cerveau est sans cesse stimulé par des choses qui ne nous arrivent jamais. Au début, on ressent un véritable sentiment d'agression. Il n'est pas rare qu'au moment de rentrer dans le taxi, des femmes accompagnées de leur bébés en pleurs vous demandent de l'argent. Cet horrible geste: la main touche la bouche avant de se positionner pour mendier, comme pour mimer sa faim, reste gravé dans ma mémoire comme une chorégraphie macabre. Nous étions enfermés dans la voiture en attendant le chauffeur, pendant qu'elles tapaient avec leurs bagues contre les vitres, nous montrant leurs enfants crier. Elles étaient cinq, toutes avec un bébé dans les bras. Le bruit de la climatisation masquaient un peu leur litanie mendiante, et l'inévitable culpabilité du nantis de l'Occident.

Plus de route à Pushkar en temps de mousson




(…)

Enjoy!

Sortir de la climatisation, c'est possible. Mais il faut accepter d'avoir chaud et de voir l'Inde, implacablement plurielle. Nous avons visité le Rajastan et la Vallée du Gange (Uttar Pradesh), ce qui constitue en soi, deux mondes différents, bien que tous les deux dans le Nord de l'Inde. Nous sommes passés par Jaipur, Pushkar, Agra, Vanarasi, Haridwar et Rishikesh avant de retourner à New Delhi, notre point de départ. Alternance entre grandes villes dévorantes et fatigantes et petites villes qui ont inspiré les hippies du monde entier: entre les deux mon cœur balance. Grande ville, petit village: tradition et modernité? Ce poncif est pourtant bien réel en Inde, bien que moins duel et tranché. Je ne crois pas que les deux constituent un vrai couple de contraire. Ici, la tradition s'est véritablement introduite dans la modernité: il y a une réalité indienne plus qu'une identité qui se bat pour retrouver ses racines traditionnelles. Ce conflit semble exister, certes. Mais, il n'y a pas à penser à un paradis perdu quand on voit deux Sikhs en train de boire un Coca cola au coin d'une rue. L'Inde, c'est un peu comme un « Jack-in-the-box ». Les surprises sont à chaque coin de rue, bonnes ou mauvaises. Le plus impressionnant est peut être le fait religieux, omniprésent, puissant, coloré, incompréhensible et bruyant. L'Inde est un monde: régime politique bien trempé, administration omniprésente malgré l'apparent désordre, culture et cinéma propre, des dizaines de langages différents, une nourriture particulière, ses propres faits religieux et ses propres lieux saints, une Histoire interminable, son industrie et ses monopoles... On se sent alors tout petit, dans sa voiture de touriste.

Une boutique de Karol Bagh

(…)

« Chère Amélie, cher Dylan... Je vous remercie de m'avoir accueilli à Delhi pendant ces vacances. J'ai été très heureux de vous revoir et vous souhaite tout le bonheur du monde. J'espère que vous allez bien et que vous vous faites aux moeurs indigènes. Je vous envie! Profitez en bien! » Ce qui est drôle, c'est le plaisir que l'on a à retrouver du connu lorsqu'on est dans le flou total. Passer des heures dans un restaurant tamoul à parler d'une réalité lointaine, à gossiper, à se raconter nos vies, nos déboirs et les nos réussites. Pas de doutes: une expérience, un amour n'est bon que si il est partagé avec d'autres. J'aime partagé ma vie au milieu d'un thali!




(…)

Comment aimer un film sans le comprendre?


« Je voudrais qu'il voit ce que je vois ». Vanarasi est une grand ville sainte. Cependant, j'ai réussi à trouver des petites rues, des petits dédales remplis de boutiques et de restaurants minuscules. Un labyrinthe vivant, avec foule et rires, pourtant très calme. Il s'est alors mis à pleuvoir. Et pas une petite pluie: la mousson, ou chaque goutte est un seau d'eau qui fait déborder les rues. Un marchant, pour une fois non envieux de me faire acheter une quelconque bricole, m'a alors proposé de m'assoir à sa boutique en attendant que la pluie cesse. Sans un bruit, nous avons attendu la fin de la pluie. Je me suis alors dit qu'il fallait que je les y emmène, qu'on voit nos amis communs aux quatre coins de l'Inde. Il fallait que les gens que j'aime voient ça, qu'ils voient ce que j'ai vu. Certains partent en voyage pour se couper de leur vie, pour oublier, ou tenter d'oublier ce qu'il y a derrière, fuir les problèmes. Moi j'aime voyager pour m'appauvrir, tout remettre en question, et pour trouver des endroits que les autres aimeront, pour les aimer davantage par la suite.

(...)
Je ne me baignerai jamais dans le Gange. Mais au loin, elle est sortie des eaux, de dos, ruisselante. Étrange impression de chavirer, bien qu'on se remette vite sur le droit chemin du voyage.



"Dans son sari na plin zimages"

(…)

Fatigue

L'Inde l'avait désemparé...


Fatigue. L'Inde pendant trois semaines, ça fatigue, et quand on est touriste, on est seul. Et comment donc ne pas y penser?


...mais elle continuait à regarder vers l'avenir
(...)


"Sous la pluie, nous ne voyions
Que l'air orangé et rouge
Et les bâtisses d'un rêve ancien
Bordées de lumières vertes et roses."

Bien sûr il m'est arrivé d'y penser. Comment ne pas y penser, quand on est assis sur les ghats de Pushkar, merveilleuse petite ville du Rajastan, ville de hippies. J'ai toujours eu une propension à la rêverie. J'aime penser à l'amour, parce qu'il me fait vivre. Certains n'y pensent pas, ou ont peur d'y penser. Moi j'y pense trop. Et comment ne pas être une machine à aimer, quand on voit une ville pareille. Ville orangée quand il pleut, ville blanche. On pourrait y rester des heures et ne pas revenir. Ce qu'on peut retenir de l'Inde, c'est cette fascination qui peut nous prendre, n'importe où et cette diversité qui explose nos codes et nos valeurs. Si l'Europe aime l'Unité, l'Un, en Inde se décline sans cesse le contingent et le multiple, dans un harmonieux chaos. Alors, Parveen nous demande de remonter en voiture, pour la prochaine destination. Et on retourne sur les routes de Bharat, avec de la musique indienne plein les oreilles et plein les yeux. Jai ho, my friend, Jay ho!