samedi 21 juillet 2012

Que ma joie demeure!

C'était un jour de pluie,
Il avait plus plu que les autres jours
J'étais dans le grand champ japonais
Aux milieux des citrouilles géantes
Qui respiraient doucement au contact de l'eau 
Et des aubergines qui me disaient doucement
Mais sûrement
Et Simplement
Qu'elles m'aimaient.

C'était ce jour de pluie
Où je sentais trembler la Terre
Et palpiter l'Univers,
Que j'avais décidé de fermer les yeux
D'écouter battre les vagues
Qui cognent contre les parois de mon coeur
Et de les ouvrir à nouveau, sur le grand champ de maïs
Où une femme pousse comme la plus belle des fleures.
(Enfin, une femme, vous me connaissez bien,
Les choses ne sont pas si simples...)
C'était un jour de pluie,
Donc,
Ce jour là, plus que les autres jours,
 J'avais l'estomac retourné. 
L'estomac retourné parce que cela faisait 20 jours que je ne mangeais que des légumes
20 longs petits jours
20 jours, enfin, je ne sais plus trop, 
Vu que ça donne l'impression de durer plus longtemps,
Et pas parce que ce n'est pas bien,
Non.

 C'est simplement complètement différent.
Un peu effrayant
Un grand ciel plein d'étoiles,
-Les étoiles, c'est le plus dur
Il faut toutes les attraper,
Et il n'y a que deux mains
Et pas d'éternité pour bien s'en assurer-

Cet Indéfini.
Cet Infini tout bleu.
Énorme.
Angoissant.
(Enfin, angoissant, vous me connaissez
Tout pour moi, Être humain, est un peu angoissant)





Mais ce jour de pluie là,
Car c'était un jour de pluie
Je n'avais pas envie de soufrir
Pour de vrai
J'avais simplement envie
De sentir l'eau sur mon visage,
De m'assurer que je pensais toujours
Que l'Amour, la plus grande force de la Vie
Si bêtement dite
Était toujours en mon pouvoir.
Que je pouvais toujours le planter là, ici
Dans cette Terre
Parmi vous
Et que vous aussi, si vous le voulez
Vous pourriez le planter
Et rire bêtement,
Niaisement
Fabuleusement.


Parce qu'on aime souvent,
On aime souvent mal
Aimer ça peut faire mal
Mais aimer, c'est important.


Ce jour de pluie finalement
Est angoissant, important,
Tous les jours, la pluie tombe sur ce champ où poussent sans cesse
Ces légumes qui seront là, tant qu'on les cultive.
Mais toujours est-il que tous les matins,
Et tous les soirs,
En voyant les Tomates qui toujours me sourient,
Je regarde vers l'Indéfini
J'émets un rot de bonheur
Et  je pousse un Cri.

lundi 4 juin 2012

Voyage dans le Vide

(écris le 5 Juin 2012)



Dans le grand champ de fleur, elle était là, les grands cheveux ébouriffés, à m'attendre. On entendait bourdonner les insectes. Les insectes en moi. Les papillons qui ne volent plus dans mon ventre. J'entends encore leurs ailes. Mais il n'y a personne, personne ne vole dans mon ventre. Et toi non plus, elle, toi non plus tu n'es plus là. Les cascades font un énorme bruit. Le bruit couvre tous les sanglots. On entend plus personne pleurer. Et tu es toujours là, avec tes cheveux ébouriffés.

Il y a bien longtemps que je n'ai pas écrit ici.
D'ici là, je ne sais pas si je me suis rempli ou vidé, parce que ce soir je me sens un peu vide.
J'ai fait un peu de théâtre. Je me suis appauvri, au meilleur sens du terme, pour devenir un peu plus brillant. Essayer du moins, d'être universel.
Mais aujourd'hui, je me sens vide.
Voilà, c'est le mot. "Vide".

Tu as laissé un vide.
Et c'est une sorte de voyage, dans le Vide, duquel je ne sais pas sortir.

Je ne sais pas trop comment cela a commencé. Au téléphone peut-être. Ou peut-être dans la chambre de ton amie. Ou dans ses yeux plein d'un espace qui n'est plus rempli de joie. Cette voix, sans plaisanterie qui m'annonce que tu ne viendras pas me voir jouer cette année, ni l'année suivante, alors que tu es celle qui peut-être souhaitait le plus me voir sur les planches.
Et ses hurlements, sans attache émotionnelle. Une voix sourde.
Je n'y croyais pas. Je voulais pas le croire.




















Le voyage n'a commencé nulle autre part que dans ce bâtiment étrange.
L'institut médico-légal.
Je ne veux pas me souvenir de ce que j'ai vu dans cette pièce, qui n'était pas ce que j'avais comme souvenir de toi. Non. Je veux me souvenir simplement de moi regardant les fenêtres. Ce calme étrange, totalement silencieux, irréel, le Soleil frappant le sol blanc, figeant le temps d'un murmure.
On sentait les âmes se décoller des murs. Les feuilles des arbres se courbaient d'oraisons. Moi, moi, toujours moi, au milieu de cette immobilité, entouré de ce qu'il y a de plus cher. Je ne retiens que ça. Pas ton corps sans vie, non.
Mais je ne retiens que ça: être figé dans l'éternité avec ceux que j'ai aimé. Et le tableau ensoleillé de la fenêtre.

Tes photos. Nous avons passé des nuits à regarder tes photos, sans parvenir à compter tous les sourires.
Tu étais déclinée sous toutes les formes.
Il y avait toujours ton sourire.
C'était comme un voyage (parfois j'ai l'impression de l'écrire mal, ce voyage). Le tournis. Je ne t'avais jamais vu aussi longtemps.
Puis dans la grande salle, ton visage était encore plus grand, immense, présent et pesant.
Je me sentais tout petit, comme une toute petite flaque d'eau. Tout petit.
Écrire sans expulser. Une absence de sentiment. Une petite grippe. Je crois que j'étais un peu malade à ce moment là.
C'est comme si je me cachais ce moment-là, et qu'il revenait de temps en temps, avec force.
Le grand champ de fleur, avec toi au milieu, et moi en face de toi, et ton sourire, et ta voix aigüe.
Mais l'image se brouille sans cesse.

Quand je pense à toi, il me vient toujours un moment où mon cerveau se ferme, oublie de penser. Je ne veux pas y penser.

Tu me manques.

Il.
Son absence aussi.
Son absence toute aussi présente que la première.
L'Amour et  la Mort sont toujours aussi proches, et laissent le même goût de cendre et d'incomplétude dans la bouche. Partout, sa présence liée à chaque sursaut de cette histoire, car il est lié à cette histoire, dans un tourbillon que lui-même ne comprend pas et qu'il ne semble pas prêt de comprendre.
Comment peut-on aimer si largement, si puissamment, quelque chose qui ne veut plus exister?
D'où puise-t-on cette force qui nous fait croire, juste croire?  Cette stupide et vaine croyance: la foi?
Il n'est toujours pas là et ne sera jamais plus là, il me semble.
Oui, je sais, il y a tant d'autres rives où j'ai pu et peux poser ma barque.
"Plus hautes et moins sombres rives"
Persistance de l'illusion cependant. Damnation de la chanson qui ne s'arrête pas encore.
Autant dire "Je t'aime comme le hurlement des volcans, comme les pierres qui s'écrasent à grande volée sur le cosmos, comme ma peau contre ta peau" à une porte aveuglément fermée vers des rives apparemment plus scintillantes.
L'Amour, comme la Mort, nous prouve encore que la plus grande partie de notre vie échappe définitivement à notre contrôle.
C'est une évidence. Un constat.
Ton Absence, donc, comme sa Mort, entrave une partie de ma Vie.

Toi aussi, tu me manques.



Où es-tu? Parfois, je me demande. Mais je ne sais pas et sens qu'il n'est pas nécessaire de savoir. Tu dois être dans un endroit paisible.
Je ne sais pas puisque je te sens dans mon ventre.
Et si tu es dans mon ventre, tu dois être sacrément chamboulée, tous les jours.
Tu peux sortir de ma voix quand je fais du théâtre.
C'est tellement difficile le théâtre.

Souffrir.  Se donner l'impression que l'on souffre. Souffrir authentiquement. Un plaisir, ou une peine. Un honte. Ne pas tant souffrir que ça. On ne sait pas comment souffrir. Parfois, on ne souffre même pas tout de suite. Il n'y pas de standard de la souffrance. Et c'est cela qui nous effraie, et nous fait souffrir.

"Je pense du mal.
Je n'aime personne.
Je ne vous ai jamais aimé, il faut me croire, c'était des mensonges, je n'aime personne et je suis solitaire, et solitaire je ne risque rien, je décide de tout..."
(Lagarce, le Pays Lointain)
Est-ce que je n'aime vraiment personne, alors que je suis au fond de moi amoureux de l'humanité toute entière? J'ai peur. J'ai peur de cet inconfort qui grandit en moi quand je suis avec l'Autre. De cette inconfort que je sens chez l'Autre. Ma solitude est un cercle vicieux, qui se dirige un peu plus chaque jour vers la pente glissante du désastre. Elle me conduit vers le Rien, car être seul c'est être rien. Mais être adulte, est-ce que c'est être seul?

Je ne veux pas être seul, mais je ne sais pas comment m'en sortir. Je ne sais pas comment les sortir. Ces cris qui ne veulent pas sortir.
J'aimerais que tu sois là pour m'aider.

Quand vous étiez là, j'étais moins seul.
Quand tu étais là, je me sentais moins seul.

Là, je suis dans le grand champ de fleur, de toutes les couleurs.
Le grand champ de fleur. Duquel tout s'élève.
Je cours et me jette dans la cascade bruyante. Et tout le monde me regarde.

Regardez moi, tous! Je suis unique! Je veux rester unique! Personne ne sera comme moi!
Je serai mal habillé, comme un pouilleux. Je serai définitivement égocentrique! Je n'aimerai sans aucune demie-mesure. Je serai moi, et je sauterai dans la cascade. Et vous m'aimerez!
Vous m'aimerez, j'espère.
Mon grand voyage, dans les eaux troubles, à ta recherche.
Complètement perdu. Comme un adolescent qui fait ses gammes dans le spleen du pseudo poète maudit.

Tu n'es pas morte. Tant que j'écrirai, tu vivras.
Et mon Amour aussi, tant que je serai là, tu vivras, aussi bête, aussi Stupide que tu sois.
Car moi aussi je suis Stupide.
Je reste là, la tête sur le sable, après être tombé en courant sur la longue plage déserte. A terre, j'entends le bruit des vagues, les plaintes des hommes, mes assommantes plaintes, mon cœur battre; le sable est mouillé et froid.
Des pas s'approchent de moi, et je sais que c'est toi.
C'est ta démarche, maladroite.
Et levant la tête,
Ce sont tes cheveux qui font de l'ombre au Soleil.


samedi 14 janvier 2012

Je voudrais


Il y a, près de chez moi, un très grand Arbre majestueux. Et souvent, je me confie à lui. Je creuse un petit trou dans son écorce, et je parle.


Je voudrais que tu te réveilles en douceur, tranquillement, sous le bruit que la pluie fait quand elle tombe entre les feuilles de tes branches. Et je voudrais que tu me sers encore comme tu le faisais autrefois, même si tu n'es pas la même personne qu'autrefois, et même si tu n'as pas le même visage. Je voudrais aussi que quand tu ouvres les yeux vers la direction du soleil, je voudrais que ce soleil t'aveugle; et qu'ensuite tu me regardes, la rétine éblouie, pour ne voir que les traits de mon visage et ne pas me reconnaître. Je voudrais que tu m'embrasses, les yeux fermés plein de picotements parce qu'ils ont été chauffés par le soleil. Je voudrais que tu me serres encore plus fort, jusqu'à ce que mon dos craque. Je voudrais que tes feuilles ne soient pas sèches, parce que je veux sentir de l'eau sous moi, sentir comme un moment de fragilité quand je suis avec toi.


Et je voudrais plonger sans comprendre la tête dans la bassine pleine d'eau, tout entier, mes vêtements trempés par l'oubli et les larmes de joie que j'ai accumulé dans ma vie, et que je garde avec moi. Je voudrais que ma tête jaillisse de l'eau, les yeux exorbités sous le soleil vert éclatant. Je voudrais que mes parents m'entendent chanter et soient émerveillés. Je voudrais arrêter de rêver.

Je voudrais tellement que tu sois toujours comme une relique dans mon armoire. Je voudrais faire de toi ma momie, ma fleur que je mets dans le plus beau vase qui orne ma Maison. Je voudrais être heureux avec toi, mais je voudrais aussi que le bonheur n'existe pas, pour avoir toujours de quoi m'occuper dans la vie en le cherchant en vain. Je voudrais alors que tu t'en ailles, avec d'autres, et que tu ne reviennes pas, pour que je puisse confier ma tristesse à l'écorce de l'Arbre. Je voudrais que tu m'écoutes définitivement, même si finalement je n'ai pas envie de t'écouter.

Et je voudrais que tu ne sois pas Arbre, mais Humain, pour que je cesse de me sentir si seul. Je voudrais enlever ton écorce et croquer tout ce qu'il y a en toi. Je voudrais crier avec le lyrisme que je n'ai pas que je n'ai attendu que toi. Et je voudrais n'attendre que moi, puisque tu m'attendais toujours. Je voudrais que tu m'aimes. Et je voudrais m'aimer parce qu'il n'y a que comme ça que je pourrais aimer les autres. Je voudrais aimer.

Je voudrais que tu sois bête et moche. Je voudrais que tu sois une chose laide et timide. Que tu sois la plus belle chose qui me soit arrivée. Je voudrais que tu ne sois ni homme ni femme ni arbre. Mais je voudrais réussir dans la vie sans pour autant montrer à tout le monde que je suis angoissé. Et je voudrais aussi que tu me prennes au sérieux. Que tu me regardes dans les yeux sans cesse avec pitié et avec affection. Je voudrais que tu me lises jusqu'à la fin, car personne à part moi ne te portera autant de respect.

Et je voudrais danser jusqu'à la mort, même si finalement ça n'a aucun intérêt de mourir. Je voudrais tomber amoureux de toi. Je voudrais te fuir.  Je voudrais que la vie n'ait plus le goût de la cendre, même si je me pends aux Arbres pour prouver que j'existe. Je voudrais que tu comprennes tout cela.

Et je voudrais mourir pendu à une de tes branches, pour me prouver que je suis bien vivant. Je voudrais marquer l'univers tout entier avec de la peinture à l'huile. Je voudrais que tu te souviennes de moi; que tu penses toujours à moi quand tu embrasses un autre corps; que tu effaces les rires de son visage avec la sève de ton front; que tu cesses d'être grand comme moi j'ai cessé de vivre quand tu as arrêté de pousser. Et je voudrais que tu t'en ailles autre part; que tu écrives des poèmes mal-écrits. Je voudrais que tu te mettes nu devant tout le monde. Et que tu fermes les yeux au monde. Je voudrais que tu sois immonde.

Il n'y a finalement que ça que je veux: vouloir. Vouloir jusqu'à la mort.
Je voudrais arrêter de vouloir, même si finalement ça me fait avancer.

Je voudrais arrêter de vouloir, mais c'est ce qui m'aide à créer.