dimanche 12 septembre 2010

"Dans la cité perdue"

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Dans la cité perdue, j'étais à la Table des Rêves. Elle sentait l'alcool renversé. La pièce était remplie d'une fumée bleue, s'élevant de nulle part. Des femmes en mini-jupes marchaient à quatre pattes sur les murs, avec des lunettes roses et mauves, comme perdues. Il n'y avait pas grand monde sur le sol. La maison était un labyrinthe, habité par les fantômes. Les enceintes crachaient une musique lente et mélodieuse.
"Tu ressembles à ce rêve que j'ai fait autrefois
Que j'ai fait tant de fois, que j'ai fait avec toi
Dis on le refera? Dis? On le refera?
Allez! dis le, qu'on le refera..."

Elle dansait, exaltant toutes les formes de son corps, comme une folle. Les circonvolutions de sa poitrine mimaient avidement la courbe de ses fesses. Boum. Le corps à la musique. Boum. Le regard lubrique. Boum. C'était aussi celle avec qui on ferait l'amour sans raison, le refaire encore comme pour faire un rêve. Quand elle dansait, elle ignorait le vide, et vidait mon ventre de chaleur. J'avais l'esprit embrumé ce soir là.

"Tu ignores le vide devant toi!
Les vertiges et la peur, tu connais pas.
Tu ignores le vide devant toi!
Les vertiges et la mort, tu connais pas."

La maison était un labyrinthe vert fluo et noir. Les portes claquaient,  laissant sortir tantôt les amants, tantôt les fous. Entre deux couloirs, à un carrefour, il y avait un miroir incrusté de rubis et d'émeraudes. J'y ai plongé mes yeux pour y voir le fond des mes iris. Et je l'ai vu derrière moi.

"Tu ressembles au naufrage que j'ai fait autrefois
Que j'ai fait trop de fois, que j'ai fait avec toi
Dis on le refera? Dis? On le refera?
Allez jure, allez crache! Qu'on le refera!"

C'était un homme grand et blond, de dos, et il marchait dans un couloir très sombre. La musique continuant, le rêve dans les joues, j'ai alors décidé de le suivre, comme pour voir son vrai visage. Sa démarche était lente, tranquille: elle ne montrait rien. Il continuait à marcher dans ce couloir sans lumière, s'enfonçant peu à peu dans l'ombre.

Je l'ai suivi en évitant les fous qui venaient du couloir. Surgissant de l'obscurité, comme des autos en perdition, comme des feux d'artifice, ils slalomaient entre moi et l'homme blond. J'ai pris peur au départ, mais j'ai continué la marche, fasciné par l'éclaireur qui avançait sans frémir, comme s'il voyait dans le noir.

-Le sommeil naît dans l'obscurité et fait naître les rêves-. Il faisait noir tout autour et le silence gagnait l'espace. Mes yeux s'habituaient à l'absence de lumière et je vis alors une petite pièce d'où on ne pouvait sortir. Un peu comme dans un rêve.

L'homme blond se retourna. Je vis son beau visage triste, taillé comme celui d'un mannequin. L'obscurité creusait ses traits. Il ne prononçait pas un mot. Au loin, on entendait encore quelques bribes de la fête.

L'homme marchait encore, tournant en rond dans la chambre. Au début, je pensais qu'il savait où il allait. Mais je me suis rendu vite compte qu'il marchait au hasard, avec une démarche hésitante. J'ai essayé de l'appeler pour le guider puisqu'il était perdu. En vain. L'homme, inévitablement, m'a heurté de plein fouet.

Car il ne voyait pas dans le noir.


"Dans la cité perdue, au travers de la nuit
Toi tu vois bien, toi tu vois bien
En travers, la douleur et la mélancolie
Tout ira bien, tout ira bien."





(les passages entre guillements sont extraits de la chanson "En travers les néons" de Damien Saez)

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