jeudi 30 décembre 2010

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Chers lecteurs du soir,

J'étais sur le point d'aller me coucher quand j'ai décidé de vous offrir ce texte cité dans le film "Nuits d'ivresse printanière" de Lou Ye. J'ai revu ce film récemment. La première fois, c'était au festival de Deauville. J'étais un peu sceptique la première fois mais le deuxième visionnage m'a convaincu. Et ce passage littéraire, lu par Wang Ping à Jiang Cheng, au début et à la fin du film, est absolument magnifique. Et que personne ne s'inquiète pour la première phrase de ce passage: elle n'est aucunement le reflet de mon humeur (je suis à Hokkaido, difficile d'être plus satisfait!).

Bonne lecture.


“ (…) Me suicider. Par manque de courage je ne l'ai pas fait. Mais le fait que je pense encore à l'idée montre que sans l'ombre d'un doute que la flamme en moi n'est pas complètement éteinte. Aujourd'hui, le conducteur du tram m'a insulté. De quoi m'a-t'il traité encore? De Chien jaune. Chien jaune. Quelle belle expression. Mes pensées s'enchainent et s'emmêlent dans ma tête pour finalement n'aboutir à rien, sans pour autant me sortir de la misère dans laquelle je me trouve. J'ai entendu la sirène de l'usine. Elle semble annoncer minuit. Je me suis mis debout. J'ai enfilé le vieux manteau usé que j'avais enlevé. J'ai soufflé la bougie et je suis sorti me promener. Les gens de ce quartier dorment déjà d'un sommeil paisible. Dans les immeubles modernes de la rue Jozi, juste en face quelques échoppes ont gardé leur néon vert et rouge allumés. De là on entend le son d'une balalaika et les notes cristalline d'une mélodie plaintive résonnant dans l'air frais de la nuit calme et profonde parviennent à mes oreilles. Ce sont sans doute des jeunes filles russes en exil qui vendent leurs chants pour survivre. Le ciel est couvert de légers nuages grisâtres, tels des cadavres en décomposition qui se tasseraient là haut. Lorsqu'ils se déchirent, on peut entrevoir une ou deux étoiles. Mais autour de ces étoiles, la couleur du ciel qu'on aperçoit semble charger d'une tristesse infinie.
Le 15 Juillet 1923.”

Yu Dafu
“Nuit d'ivresse et la saison de l'efflorescence”

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