mercredi 3 août 2011

By your side- Bilan Final




Je n'aime pas la réalité.

Alors très souvent, je m'enfuis. Je vais ailleurs.

Je suis à Nara. By your side. Mais t'es pas là. T'es pu là. Alors je pose un petit regard sur la grande peinture que j'ai peinte pendant un an. J'essaie de l’interpréter cette fois, pour mieux la comprendre. La grande colline verte de Nara m'inspire. Il y a longtemps, j'ai fait un rêve. J'avais la trentaine, j'étais sur cette même colline, j'avais deux enfants dans chaque main, j'étais serein. Et là c'est étrange: je suis sur cette colline, cette même colline. Seul, enfin près de toi, près de vous quand même, mais sans l'être. A faire un Bilan de ma Vie, à 22 ans. Pas grand chose pour faire le bilan: comment faire un bilan de vie à 22 ans. Et pourtant! C'est qu'on peut en dire des choses quand on est bavard!

Je suis à Hanoi. By your side. Je suis assis sur une chaise. Mon téléphone sonne. Tu m'appelles. "Que fais-tu ce soir?". Rien. Sortons. "Allons chez moi. Allons boire de la bière et rigoler. Allons dans un Bar qui ferme à 1 heures à cause du couvre feu communiste. Allons en boite de nuit où la musique nous défonce les oreilles. Allons avec ce Japonais, qui est de passage, et puis après allons chez toi, dire bonjour à Jah, avec tes amis Vietnamiens. Prenons la moto, alors qu'il pleut des cordes, à trois sur le bolide, entourés par les orages et juste mort de rire".
Hanoi, c'était un Lac. Un grand lac paisible, où tout allait bien. Même s'il y avait des pics de solitude, des souvenirs qui remontaient sans qu'on leur demande leur avis. Mais il y avait toi, il y avait vous. Le mystère du Parti enfoui sous le ciel. Une vie sans difficulté. Une vie douce, de miel, sous la chaleur. Et quand ils me regardaient tous, leur beaux visages inquisiteurs sur mon front blanc, je ne pouvais m’empêcher de fondre, dans le moule de ce paradis caché maintenant dans un coin de mon cerveau.

Je suis à Paris. By your side. Enfin, dans la chambre de ma grand mère, je tourne la tête vers la droite et il n'y a personne. J'ai pas vraiment l'impression d'être compris pour le moment. En fait, ils ne comprennent rien. Mais c'est normal: Il n'y a rien à comprendre. Ce n'est qu'une mappemonde, ce n'est qu'un demi tour d'Asie. "Il ne faut pas être méprisant" écrit-il sur son bras droit, la plume ensanglantée. Alors je regarde le ciel gris pâle à travers ma fenêtre ouverte. Le ciel est orange à 22 heures. Se reconstruire une nouvelle vie,  encore. Tout recommencer. Ça m'étouffe. Je sens déjà les fantôme qui reviennent. Leurs belles têtes françaises. Leurs traits fins aliénants qui donnent l'impression qu'on est rien, et qu'on sera jamais rien.  Je me couche, prend mon Katana. Ils s'approchent et je les écharpe mais ils s'enfuient. Ils vont revenir. Alors j'ouvre le frigo. Je suis en caleçon: plus de pudeur. By your side. Je mange un yahourt froid dans la cuisine. Il  a un petit goût de réel. Alors je repars.

Je suis à Saigon. By your side. Il y a des rats qui sortent de tous le égouts et des vendeurs de nouilles de Huê. Saigon, c'est un peu l'apothéose de mon voyage dans les pays communistes. Je viens de me promener devant le magasin de Dior, Louis Vuitton, et autres marques qui sont très loin de prôner l'égalité universelle, pour finir à boire un jus de fruit à 5 euros sur l'étage de la plus haute tour de cette ville qui n'a jamais embrassé très franchement les belles idées de Karl Marx. Saigon. En fait, son nom officiel c'est Ho Chi Minh ville. Mais la ville ne représente tellement pas ce personnage historique que je préfère l'appeler Saigon. Je crois que visiter ces pays qui sont passés par une économie planifiée et socialiste ne m'a pas vraiment convaincu que la Gauche n'était pas une solution. Pour moi, ces pays n'ont simplement jamais été socialistes, et ne sont donc pas des anti-modèles. Ils n'ont juste été que des germes totalitaires, des prises de pouvoir impromptues où le communisme était simplement une jolie couleur pour décorer le discours. Chine, Vietnam, Laos: même combat et même évolution. Le communisme, ce n'est pas la gauche. La Gauche, c'est autre chose. Et ce qui s'est passé là, ne doit pas nous décourager de découvrir qu'un autre monde, plus juste, plus égalitaire, est encore possible. L'Homme n'est pas qu'intérêt, et il a intérêt à ne pas l'être.



Je suis à Pékin. By your side. Non, enfin, plutôt seul. Sur la Grande Muraille. Je ne me suis jamais senti aussi puissant. Je n'ai pas envie de partir. Jamais. Il y a encore beaucoup de choses à voir en Chine je crois. J'ai envie d'y revenir, comme Lotte, avec un gros sac à dos, et y faire du vélo.

Je suis au GC bar. By your side. Enfin, non, encore seul. Je bois seul, je m'ennuie. Personne ne me parle. J'y vais parce que j'ai envie de parler à des gens, mais je sais pas comment leur parler. Y'a personne pour m'aider, pour me traduire l'impossible langue vietnamienne. Mais pendant que je me morfonds, parce qu'on se morfond toujours, il y a Hung qui me regarde.
Et puis pas trop longtemps après, quatre jours peut-être. By your side. T'as changé de tête. Au Vietnam, petits et grands, garçons et filles, trouillards ou téméraires, intellectuels ou praticiens: tout le monde a une moto. Mais moi, je sais pas conduire. J'ai eu peur de la conduire. Alors je m'accroche derrière toi. Tu roules un peu vite. Je m'accroche à ton ventre chaud. Les lumières de la ville font naître petit à petit un kaléidoscope géant. J'hallucine.

Je suis à Delhi. By your side. Je ne suis jamais seul. On est jamais seul en Inde. Je l'ai été mais j'ai aussi été entouré de beaucoup de gens. Cette année, c'était l'année des amitiés. Je n'ai jamais rencontré autant de gens. Jamais autant de gens ne m'ont autant éclairé sur qui j'étais. Et je crois que je les ai éclairé un peu aussi. C'est drôle qu'à la fois, on peut se détester et être convaincu en même temps qu'on est unique. "Alors pourquoi, à un instant T, a-t-on cessé de vous aimer, si vous étiez supposé être unique et intéressant? " Je ne sais pas. J'ai essayer de chercher, pendant ce voyage, pendant les longues heures de trajet sans lire ni écrire. Je n'ai pas trouvé. Enfin si, c'est plutôt simple en fait:

"C'est la vie. Et souvent, celle-ci ne donne pas de réponse. C'est un peu à vous de trouver des pistes dans cet infâme brouillard tout noir. Et personne ne pourra le faire à votre place."

Je suis à Shinjuku. By your side. Tu as encore changé de visage. Tu as toujours un visage différent. Masaya   s'empiffre de Takoyaki pendant qu'il m'écoute déclamer les bonnes raisons de ma foi intérieure et mes sentiments vertigineux sur les excroissances de l'amour, le destin des hommes vers leur réappropriation du politique et les vertus de la Satya chez Gandhi (ce qui est en soi passionnant!). 

Très troublant, avec des yeux qui vous regardent jusqu'au fond du slip. Masaya est trop troublant: je sais plus où me foutre. Il sourit, de manière peut être un peu malsaine. Dehors il y a Shinjuku qui, malgré la restriction sur l'usage de l'électricité, brille toujours de mille feux. Soudain, Masaya prend un pop corn et l'approche de ma bouche. Sans réfléchir, j'ouvre celle-ci et prend le pop-corn. Masaya explose de rire. Humiliation. Pendant ce magnifique duel de Samouraï, j'ai pris un coup de Katana dans le ventre.
La vie à Tokyo est une vie tellement intense.

Au Arty Farty. Toujours pas By your Side. Deux faces de cet endroit si étrange. Un monde de jeunesse, de fête, de libération, d'amour et d'extase, de rencontres. Et d'un autre côté, un monde d'extrême solitude, de promiscuité, de sexe à outrance, d'inconstance. Ici, la star, c'est Britney, c'est l'Américaine de base, et tous ont des noms Américains sans s'en rendre compte. Donc on boit. On boit des liquides rouges, jaunes, mauves et on sourit bêtement à la boule qui tourne et qui fait plein de lumière.

Je n'aime pas beaucoup la réalité.

Alors très souvent, je m'enfuis, je vais ailleurs. Et ce n'est pas pour moi que je voyage, et que j'écris. Ce que j'écris, je l'écris pour vous. Parce qu'il n'y a que vous qui comptiez. En parlant de moi, je vais jusqu'au fond, et je veux parler aux Hommes. C'est de l'Homme dont il est question. Et de poésie. Le monde est Poésie. C'est un peu comme si on avait oublié que ça existait.



Car c’est de l’homme qu’il s’agit, et de son renouement.
Quelqu’un au monde n’élèvera-t-il la voix ?
Témoignage pour l’homme…
 
Saint-John Perse - Vents III, 4
 
Je suis sur la Mer. Sur une barque. Un nouvel Ulysse? En tout cas, je ne sais pas si vous avez tout suivi, mais c'est comme ça qu'il a commencé ce blog. Sur la Mer. Sur une barque. Et je suis capitaine. Enfin, pas vraiment, je fais semblant, comme tout le monde, d'avoir un peu de contrôle sur ma vie. Mais en fait, je râme, comme tout le monde. Mais c'est bien de râmer non? Enfin je sais pas. Si je devais utiliser un mot pour décrire réellement cette année fabuleuse, je dirai "inattendue". Beaucoup de vagues néanmoins, je m'en serai bien passé. Mais bon, quand on monte très haut, on redescend nécessairement très bas: c'est le prix du Bonheur paraît-il. Une chose est sûre, c'est qu'une période de mauvais est toujours suivie par une période de bon. Tout ira bien, tout ira toujours bien. J'ai toujours aimé les happy ends!

Chères lectrices, chers lecteurs, amis, ennemis, anciens amours ou encore futur camarade de combat, retenez ceci de cette logorrhée foireuse: Il y a sous la Mer, plein de grands problèmes politiques. En rentrant dans son ancienne vie, on se rend compte de leur réalité et de leur importance. Ainsi, il faut continuer d'écrire, de faire de la poésie, de discuter, d'apprendre, de réfléchir. La Mer et le Voyage ne sont pas faits pour rendre bêtes et dociles, apolitiques. La Mer est à la fois menaçante, calme ou passionnante. La Mer, c'est un peu comme Moi, c'est un peu comme Vous, c'est une grande étendue calme endormie qui n'attend qu'à être réveillée. Elle est politique. Elle est amoureuse. Elle n'a qu'une envie, c'est de vibrer. "On a tous envie de vibrer", non? 
 
La Mer, c'est l'Homme. Et le sommeil de l'Homme semble profond. Mais le Monde, le Beau, l'Intelligent, existent en chaque Homme. Et à ceux, cyniques et supposés réalistes, qui me disent  "Ils sont stupides les Hommes. Ce sont des abîmes marins qui font des pets pendant qu'ils dorment", je répondrais simplement, avec un sourire en coin:
"Méfiez vous de l'eau qui dort."


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