I. Ulysse
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage... »:
Ulysse quitte la berge, il quitte cette maison
La grande maison noire aux fenêtres jaunes
Où l'on ne reconnaît plus son visage.
Devant lui, ma foi, des arbres
Tout aussi sombres
Des étoiles au travers
Et le bruit de l'eau sur l'Océan.
Il n'y a, pour Ulysse, plus vraiment de rivage
Seulement l'eau, puissante et large
Les grandes branches sauvages,
Et les grands anthropophages.
Et Pénélope, le grand Amour
Vogue toujours dans ses pensées
Tout s'efface à part sa lueur
Mais elle a bien le dos tourné.
« L'avenir n'est rien d'autre qu'une fiction du présent »
Se dit Ulysse, les yeux fixant l'étendue noire
Pénélope n'est pas là pour l'aider à voir
Sur ses joues, la larme discrète du vent.
Il y a bien des mois qu'Ulysse est en partance
Ses bras fatigués cherchent encore le chemin
Sans cette peur de voir que devant il n'y a rien:
Perdu qui, comme Ulysse, navigue sur l'errance.
- Pénélope
Ulysse n'avait pas de maison
Il avait juste Pénélope
Pénélope était son logis
Et sa raison de vivre
Pénélope était un paysage
L'image même de ses pensées
De ses contradictions sauvages
Des addictions imaginées
Lentement elle tombe sur la pelouse verte
Absente comme toujours, l'eau du rêve
Tombe doucement sur la tapisserie qu'elle ne tisse plus
Et qu'elle a délaissé
Il n'y a ni rêve ni mémoire
Plus forte que la Terre qui tremble
Que les voix mourantes qu'Ulysse n'a pas entendu
Que les voix mourantes qu'Ulysse n'a pas entendu
Et les vagues dangereuses, invisibles
Si bien que Pénélope, lassive
Toujours ailleurs, sous les ondes
Montre les angoisses primitives
Et la fragilité du Monde
« Et toujours dans son esprit vagabonde »
III-Tremblements
Le ciel orangé et l'asphalte de la mer s'étendent sans qu'on en voit la fin.
Ulysse creuse des trous dans la terre de la barque qui ne le mène nulle part. Il y a autour de lui des bruits de succion, et les visages inquiétants des grands anthropophages. La sueur perle son front; on peut lire dans ses yeux sa détermination et son envie de fuir. Ses mains sont pleines d'égratignures; sous ses ongles la terre sèche et aride de la barque. Car Ulysse a 17 ans, peut-être plus, peut-être moins.
Dans le tumulte, la barque tangue mais les grandes vagues ne l'effraient plus. Monde entier qui s'ouvre pour sourire au visage effrayé du voyageur. Les tremblements de l'eau secouent toujours le cœur d'Ulysse. Mais il creuse toujours au fond de la barque, en contact avec les racines et les pierres. Le trou qu'il a creusé est aussi profond que le cratère qu'aurait creusé une météorite; pendant qu'il s'acharne, des mains lui attrapent les bras et le cou, s'approchent goulument de son oreille. Quand soudain jaillit une lumière.
La lumière du ciel jaillit du trou creusé dans la barque. Comme si la mer du soir, pleine d'étoiles s'écoulait dans le navire devant les yeux éblouis d'Ulysse le magicien. Sous les nouvelles secousses, la terre meuble retombe et rebouche le trou, pensant l'ensevelir. Pierres, racines, eau et toutes les étoiles lactées par l'écrasement du ciel sous la terre, prêt à faire couler la barque dans l'océan de la grande question. Et les anthropophages, de leur bouches énormes qu'on pourrait y loger des comètes, éclatent d'un joyeux éclat de rire que réveillerait plus que le ciel.
Mais Ulysse, presque enseveli, dira toujours:
« Pénélope »
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